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de fer ? ou plutôt ne pouvait-elle achever ce canal de Campos qui attend vainement depuis tant d’années un prolongement vers le nord ?

Les calamités qu’entraîna pour l’île de Cuba la loi du 4 juillet ne se bornèrent point à la perte de sa flotte marchande, d’autres désastres devaient encore s’abattre sur elle et montrer au gouvernement espagnol combien il avait été imprévoyant et léger. Fidèle aux leçons de son ancienne métropole, l’Union de Washington n’a jamais perdu l’occasion de développer son commerce et d’accroître sa prépondérance maritime aux dépens des nations rivales. Tous les décrets restrictifs lancés par l’Espagne depuis 1818 étaient évidemment dirigés contre elle : elle seule importait des farines à la Havane, elle seule avait eu à souffrir de l’augmentation successive des droits qui frappaient les denrées alimentaires. Attaquée plus vivement et plus directement encore en 1834, elle répondit au décret par d’impitoyables représailles. Un acte du parlement américain rendu la même année stipula que tous les navires provenant de Cuba paieraient pour leur cargaison, en sus des droits auxquels étaient soumis les navires étrangers arrivant dans un port des états, un droit égal à la différence de celui qui existait dans les ports de Cuba entre le pavillon national et les pavillons étrangers. Pour bien comprendre ce que cette décision avait de rigoureux, il faut savoir que les bâtimens espagnols payaient dans les ports de Cuba de 17 un quart à 21 un quart pour 100 sur l’évaluation de leur cargaison ; les navires américains étaient tenus d’un droit de 24 un quart à 30 un quart. La différence était donc de 7 à 9 pour 100, soit, en terme moyen, 8 pour 100. Aux États-Unis, un navire américain paie 20 pour 100 du prix de son chargement, tout navire étranger acquitte en outre un droit additionnel de 10 pour 100, soit 30 pour 100, auquel est soumis le pavillon étranger. Maintenant, si l’on ajoute au droit payé par les navires étrangers 8 pour 100, ou la différence qui existe entre le droit payé dans les ports de Cuba par les bâtimens du commerce américain et le droit payé par les bâtimens espagnols, on aura 38 pour 100 pour les navires provenant de Cuba. C’étaient, comme on le voit, d’injustes représailles ; le pavillon américain n’était soumis dans l’île qu’à la moitié de cette taxe ; cette mesure constituait presque une violation du droit des gens. On pense bien qu’une telle loi était le coup de mort pour la flotte commerçante de la Havane.

Si la marine de la Péninsule fut exemptée de ce droit excessif, spécialement établi pour le commerce cubane, elle n’échappa pas entièrement aux dispositions du congrès de 1834. Un article additionnel soumit tout bâtiment espagnol en charge dans un port des États-Unis à l’obligation humiliante de déposer un cautionnement égal au double du prix de sa cargaison, jusqu’à ce que le certificat officiel de son arrivée dans un port d’Europe prouvât qu’il n’avait été destiné ni directement ni indirectement à l’île de Cuba. Ces cruelles représailles eurent deux résultats :