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marine de la Provence qu’à ceux des manufactures de l’Angleterre ? Qui transportera d’ailleurs les produits des terrains arrosés, si ce ne sent les caboteurs du voisinage, et la richesse agricole de la contrée n’est-elle pas la meilleure base à donner à son commerce ?

L’on n’a pas oublié quelle heureuse transformation l’action combinée des atterrissemens et des irrigations du Rhône et de la Durance peuvent faire subir au territoire dominé par des cours d’eau si puissans. Des expériences commencées dans les terrains bas de la Camargue, et dont jusqu’à présent tout fait présumer le succès, nous apprendront bientôt si la culture du riz y serait profitable. La diffusion et le séjour d’une grande quantité d’eau douce sur le sol lui tiennent lieu d’engrais ; il lui faut des champs environnés de levées, pourvus de portes à ventelles, de canaux d’amenée et d’émission ; les travaux préparatoires qu’elle exige, les opérations journalières qu’elle comporte sont précisément celles qui seraient nécessaires pour colmater et dessaler le sol, et la naturalisation de cette culture aurait pour effet d’attacher immédiatement un revenu très considérable à une immobilisation de capital devant laquelle on n’a jusqu’à présent reculé qu’à cause du long ajournement de produits qu’elle semblait entraîner. Les eaux et la température de la Provence valent celles de la Lombardie, et le riz réussira probablement dans les alluvions du Rhône aussi bien que dans celles du Pô. En fût-il autrement, il n’en dépendrait pas moins de nous de faire disparaître dans l’arrondissement d’Arles, cent mille hectares de marais infects et de cailloux arides, sous une épaisse couche du plus fertile limon. Il ne faut pas se plaindre de ce qu’aucune entreprise de cette étendue n’est praticable dans le département du Var ; mais tous les terrains susceptibles d’être assainis et colmatés ne sont pas réunis à l’embouchure de l’Argens, à celle du Gapeau, et peu de pays réclament d’aussi nombreuses améliorations. Sur une superficie totale de 726,866 hectares, le département en possède 7,766 de prairies naturelles, et 194,356 de terres labourables[1], ce qui établit entre la surface des prés et celle des terres le rapport de 1 à 25. Ce rapprochement suffit pour faire juger de la rareté du bétail et de la pénurie de l’engrais dans un pays où 54,787 hectares d’oliviers et 59,943 de vignes le disputent aux céréales. Dans un travail comme il serait à désirer qu’on en fît un pour chacun de nos départemens[2], M. Bosc, géomètre en chef du cadastre du Var, a établi que, sur trente-quatre cours d’eau permanens dont il a donné l’hydrographie, 69 mètres cubes par seconde sont disponibles ; que, sur cette quantité, 13 seulement

  1. Statistique de la France publiée par le ministre de l’agriculture et du commerce. — Agriculture. I. R., 1840, in-4o.
  2. Rapport à M. Teisseire, préfet du Var, sur les cours d’eau du département du Var et sur les moyens d’augmenter les irrigations. Draguignan, 1845, in-8o.