Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

foyers lumineux, et à le projeter sur la surface de la mer à des distances autrefois inconnues. Une mort prématurée l’a surpris au milieu de l’application qu’il faisait à son pays des procédés dont le monde maritime recueille l’héritage ; mais son œuvre a été complétée par son frère, non moins habile ingénieur. Les phares qui éclairent la côte de Provence ont des portées de 35 à 50 kilomètres, et, les cercles tracés par leurs rayons se pénétrant réciproquement, le bâtiment qui s’approche de la terre en a toujours en vue un, et quelquefois deux. Chacun de leurs feux se distingue par des caractères faciles à saisir ; les uns sont fixes, les autres variés par des alternatives d’éclats et d’éclipses se succédant, ici de demi-minute en demi-minute, là de deux en deux, ou de quatre en quatre minutes. Indépendamment des phares, dont l’objet est aussi souvent d’avertir le navigateur d’un voisinage dangereux que de le diriger dans sa marche, les approches des ports sont garnies de, fanaux qui se reconnaissent à 16 kilomètres de distance et marquent la route de l’atterrage. Le système d’éclairage est aujourd’hui complet en Provence : on pourrait tout au plus regretter le phare du cap Sicié, auquel on a renoncé, parce que, élevé de 400 mètres au-dessus du niveau de la mer, il aurait été trop fréquemment embrumé. Il ne deviendrait nécessaire d’allumer quelques nouveaux feux d’ordre inférieur que si de nouveaux abris s’ouvraient sur l’atterrage de Marseille.

Celui-ci, malgré ses imperfections, est le point de départ ou de destination des trois quarts du cabotage de la Provence. C’est à Marseille que se rassemblent et s’assortissent les produits du pays pour la formation des grandes cargaisons, que se divisent et se répartissent, suivant les besoins et les facultés de chaque lieu, les marchandises arrivées par masses. Les caboteurs des petits ports de la côte ne vont pas chercher dans la mer Noire, où leurs denrées risqueraient de ne pas trouver de preneurs, les grains nécessaires à leur consommation ; il vaut bien mieux pour eux les tirer du grand entrepôt qui leur sert de débouché ; aussi abordent-ils à Marseille presque aussi souvent que chez eux : les travaux nécessaires pour faciliter l’accès de ce rendez-vous commun les intéressent tous au même degré, et n’importent pas moins à chacun d’entre eux que ceux qu’il réclamerait pour sa propre localité : fît-on donc abstraction de la navigation générale, dont les petits ports ne ressentent qu’indirectement les effets, la priorité dans la distribution des travaux destinés à l’encouragement du cabotage de la province devrait encore être accordée à Marseille.

Les vents et les écueils ne sont pas les seuls ennemis contre lesquels le navigateur ait besoin de protection. La guerre, qui respecte en droit, si ce n’est en fait, la propriété territoriale privée, s’exerce dans toute sa rigueur sur la propriété maritime. Tout navire marchand étant susceptible de devenir un instrument de guerre, tout marin du commerce