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s’agit pas ici d’une prospérité qui se déplace, d’un progrès qui s’accomplit aux dépens d’un voisinage qui déchoit. Le port de la baie de Fréjus trouvera dans les produits et les besoins locaux tous les élémens de son tonnage ; il sera surtout alimenté par les fruits que fera naître la nouvelle impulsion que lui devra la contrée ; les campagnes dont il élargira le marché redoubleront de fécondité, et l’exportation de leur excédant, facilitera des échanges inusités. La plage même de Fréjus est le point de la côte où les intérêts de l’agriculture sont le plus étroitement liés à ceux de la navigation : indépendamment de la connexité qu’établissent partout entre eux les effets réciproques du développement de la production et de l’économie des transports, la culture attend ici, pour prendre l’essor, les mesures et les travaux sur lesquels se fondera l’avenir de la marine ; rien ne peut s’y faire pour l’une sans profiter immédiatement à l’autre, et la simple inspection des lieux explique la solidarité qui règne entre elles.

La baie de Fréjus est ouverte au sud-ouest ; sa forme est à peu près celle d’une demi-ellipse. Le terrain d’alluvion en occupe le fond ; des roches acores la terminent des deux côtés. Saint-Raphaël est au pied de celles de l’est, et l’embouchure de l’Argens est à l’ouest. Ainsi, si les distances étaient plus considérables, l’action du courant méditerranéen, qui marche de l’est à l’ouest. suffirait à préserver des alluvions la rade qui s’étend au-dessous de Saint-Raphaël. Elle est assez vaste pour recevoir une escadre, et le désavantage qu’elle a d’être découverte du côté du sud est compensé par la ténacité d’un ancrage de sable vaseux ; les bâtimens marchands y mouillent, par 8 à 10 brasses d’eau à moins de deux encablures de la côte, les bâtimens de guerre un peu plus loin.

Il faut d’abord prévenir l’envasement de la rade : la mesure la plus efficace ou plutôt la seule à prendre pour cela, c’est de régulariser le cours de l’Argens et celui du Reyran, qui divaguent aujourd’hui dans la plaine, de leur ouvrir un lit commun, et d’en rejeter l’embouchure à l’extrémité méridionale de la plage, au pied des rochers de Saint-Égou. Les deux bouches de l’Argens, qui se rencontrent, l’une à 2,100 mètres ; l’autre à 3,000 du môle de Saint-Raphaël ; en seraient de la sorte éloignées de 4.600 mètres, et les matières qu’elles portent à la mer, au lieu de s’étendre sur un haut fond, trouveraient sur la direction du courant à 1,800 et 2,400 mètres du rivage, des profondeurs de 100 à 250 mètres[1]. Cette entreprise peu dispendieuse car le nouveau lit de Argens aurait à peine 5 kilomètres, préserverait à jamais de l’envasement la partie saine de la baie.

Ce premier résultat atteint, le rétablissement du port indispensable,

  1. Carte particulière du golfe de Fréjus, levée en 1840 par MM. les ingénieurs hydrographes de la marine. (Dépôt de la marine.)