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avait tracé le contour reprenait ensuite la place de son confrère et parsemait toutes les étoffes d’ornemens rouges et bleus, d’un style inférieur même à celui de nos foulards.

Les couleurs qu’emploient ces moines sont détrempées avec de l’eau et de la colle de poisson. Ils ont pour faire les nimbes des saints un morceau de roseau qu’ils recourbent et qui s’ouvre comme un compas. A l’un des bouts est un pinceau, et c’est avec cet instrument qu’ils tracent leurs cercles. Ils peignent aussi à l’huile, et leur inhabileté éclate encore davantage dans l’application de ce procédé, importé chez eux vers la fin du siècle dernier par des moines russes, qui avaient fondé, sur le versant occidental de l’Athos, le couvent moderne de Roussicon. Leur couleur, qui ne sèche qu’au bout d’un temps assez long faute d’huile siccative, est concassée plutôt que broyée. Leurs essais en ce genre ne sont réellement pas heureux, et j’aime encore mieux leurs fresques, qui sont pourtant bien mauvaises.

La méthode que suivent les moines de l’Athos pour l’enseignement de la peinture est d’une simplicité toute primitive. Les novices qui annoncent le plus de dispositions, placés sur une estrade élevée derrière les artistes passés au rang de maîtres, les regardent travailler. Cet apprentissage très sommaire dure quelques années, au bout desquelles les élèves sont admis à exécuter eux-mêmes. On comprend ce que des artistes ainsi improvisés laissent à désirer sous le rapport de l’exécution. Les moines, que je voyais si arriérés dans la pratique de l’art, me donnèrent encore une plus triste idée de leur goût, en signalant à mon admiration une image de la Trinité en papier plissé, puérile imitation de celles qui représentent ici Napoléon et son fils.

L’église principale d’Ivirôn a été fondée par un moine de Géorgie nommé George, comme l’indique l’inscription placée au centre de la nef. Le fond du chœur est orné de petits tableaux à l’encaustique très précieux. Les moines en ont de toutes les époques, mais il est facile de confondre ces tableaux à cause de l’uniformité de style qu’ils présentent dans leur étrangeté même. Les portes en marqueterie incrustée de nacre sont des chefs-d’œuvre. Les murs, à l’extérieur, sont peints en brun-rouge. Je visitai dans le même couvent deux autres églises nommées Prodramos et Saint-Jean, sans y trouver rien de curieux. Le moine me fit ensuite parcourir l’intérieur du monastère, dont je dus traverser les corridors infects, et me conduisit à sa chambre, qu’il avait transformée en pharmacie. Dans les étages supérieurs, j’aperçus de jeunes enfans qui se cachèrent en voyant qu’ils avaient attiré mon attention. Je n’avais pu remarquer qu’au passage leurs gracieux visages, encadrés de magnifiques cheveux bouclés. Me rappelant la loi qui interdit aux femmes l’accès de la sainte montagne, je demandai à mon guide d’où venaient ces enfans, et voici ce que j’appris. Les religieux