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pas, à tous ceux qui voudront se reporter par la pensée à ces temps où l’unité la plus complète existait dans l’art religieux et en coordonnait étroitement toutes les parties. En 976, les relations étaient encore fréquentes entre la Grèce et l’Italie, puisque les principaux ornemens de Saint-Marc, entre autres la Pala d’Oro, furent exécutés à Constantinople. Les portes de Saint-Paul de Rome, qui étaient en bronze damasquiné d’argent, furent également exécutées à Constantinople, en 1070, aux frais de Pantaléon Castelli, consul romain. Le style de ces ciselures correspond à celui des mosaïques de Sainte-Praxède, de Sainte-Cécile in Trastevere, qui sont de 821, et de Saint-Marc de Rome, bâti en 833.

Comparées aux mosaïques d’Italie, les peintures d’Aghia-Labra se rapprochent par l’ampleur des contours de celles qui remontent aux premiers siècles du christianisme, à ces temps où l’art grec n’était pas encore éteint. Cette ampleur disparaît totalement à partir du IXe siècle, pour ne reparaître qu’à l’époque de la renaissance, et c’est particulièrement à Michel-Ange qu’on est redevable de ce retour aux formes antiques. Il faut donc ou attribuer aux peintures d’Aghia-Labra une date très ancienne, ou supposer qu’elles ont été faites depuis la renaissance et sous l’influence de l’école de Vasari ; or, cette dernière hypothèse me semble inadmissible à cause du caractère historique et de la vérité scrupuleuse qui les distinguent. Ainsi, les détails des armures, les chaînettes les casques, tout autorise à croire que l’artiste était le contemporain des chevaliers qui figurent dans ses tableaux, et qu’il a pu voir ces officiers à la cour des Paléologue et des Comnène. Si l’on considère en outre que le mont Athos est une presqu’île, toujours restée en dehors des invasions étrangères et des agitations politiques, on s’expliquera facilement le parfait état de conservation de ces peintures, placées d’ailleurs dans un lieu ouvert, à l’abri du vent de la mer, qui a détruit une partie de celles du Campo-Santo de Pise.

Après avoir visité l’église, je passai au réfectoire, situé en face, et entièrement orné de peintures. Cette salle est très spacieuse et disposée, comme l’église, en forme de croix. Au fond, sur des marches, on aperçoit le siège de l’igouménos ; derrière ce siége sont peints saint Basile et saint Grégoire. Au milieu de la salle, on a placé une chaire en bois dans laquelle un des moines fait la lecture pendant les repas, et plus bas des tables de marbre entourées de sièges dont la disposition rappelle celle du triclinium antique. Au plancher sont suspendues les outres de vin laissées vides, et c’est, avec quelques lampes, le seul ornement de cette longue salle.

J’avais hâte de visiter les autres parties de la montagne, et un plus long séjour à Aghia-Labra ne m’eût rien appris. Je quittai donc ce couvent. Les moines ne réclament rien pour les frais de séjour, mais ils exigent qu’en sortant on leur donne, pour les frais du culte, à peu près