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Ces solitaires, réduits par le jeûne presque à l’état de squelettes, n’ont pour tout vêtement qu’une ceinture de feuilles. La barbe se termine en pointe et descend jusqu’à la cheville. A côté de ces figures, on peut lire une légende ainsi conçue : Voilà quelle fut la vie des ascètes ! C’est l’idéal de la vie ascétique, en effet, que le peintre a renfermé dans ces étroites limites. L’art même n’est guère pour les ascètes que l’expression de cette vie, dont l’effrayante austérité se reflète dans les peintures qu’ils vont exécuter de couvent en couvent. Les mêmes ermites sculptent de petites croix de bois, chefs-d’œuvre de patience, qui conservent encore le caractère de leurs anciennes fresques.

Les caloyers attribuent les peintures si remarquables qui décorent l’église d’Aghia-Labra à un moine nommé Manuel Panselinos (lune. dans sa splendeur) ; ils ignorent à quelle époque vivait cet artiste. Ces figures sont exécutées à fresque par petites hachures, assez fines pour disparaître à distance. Les tons sont très pâles et n’ont nullement la prétention de lutter avec la réalité. Le tout est plutôt colorié que peint. L’usage de la fresque est du reste fort ancien, et l’invention n’en saurait être attribuée aux byzantins, car elle remonte à Ludius, qui, sous Auguste, la substitua à l’encaustique.

Quant à l’époque des peintures d’Aghia-Labra, en l’absence de toute date, le seul moyen d’arriver à quelques données certaines est de les comparer à celles d’Italie dont les dates sont connues. On n’a qu’à rapprocher, par ordre chronologique, des peintures d’Aghia-Labra les mosaïques de Santa-Pudentiana, exécutées à Rome au IIe siècle, et dans lesquelles l’artiste, encore à demi païen, a donné au Christ l’attitude et les traits de Jupiter ; celles de Saint-Paul hors les murs et de Saint Jean de Latran, au IVe siècle, époque du triomphe du christianisme et où l’art byzantin, brilla du plus vif éclat. Dans les mosaïques de Saint-Côme et Damien, qui sont du VIe siècle, la décadence se fait déjà sentir, et dans celles de Sainte-Françoise, bâtie sous Léon IV en 847, et de Sainte-Praxède, au IXe siècle, on ne retrouve plus que des lignes droites. Pour compléter ce parallèle, je rappellerai encore les mosaïques de Sainte-Marie in Trastevere, exécutées en 1143 sous Célestin II, et qui n’ont plus d’intérêt pour nous, si ce n’est par les détails des costumes contemporains que nous y retrouvons. On peut joindre enfin à ces spécimens de l’art byzantin en Italie les mosaïques de Saint-Vital à Ravenne, qui sont du VIe siècle, et représentent la consécration de l’église par l’archevêque Maximien. D’un style barbare, mais non dépourvu de grandeur, ces mosaïques offrent une disposition scénique et quelques heureux motifs. Le plan de cette église, qui ressemble à celui de Sainte-Sophie de Constantinople, permet d’établir un rapport entre les architectes des deux édifices, et par suite entre les auteurs des peintures qui les décorent. Ce rapprochement paraîtra fondé, je n’en doute