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espèce de vampire dont on ne peut se délivrer qu’en lui perçant le cœur à minuit, au moment où il sort de sa tombe. Il nous disait aussi qu’à Milo, sa patrie, on voyait toutes les nuits trois fantômes blancs qui se promenaient sur la grève et attiraient le pêcheur attardé : je me retrouvai en pleine antiquité en l’entendant appeler ces ombres siréné.

Le troisième jour après notre départ d’Athènes, l’Athos était devant nous. On apercevait les couvens, petits points blancs disséminés comme une ceinture de forts détachés. Je quittai le commandant, qui, ne pouvant, faute de mouillage, rester de ce côté de l’Athos, dut, pour se conformer aux ordres du contre-amiral, aller stationner près de l’île Mouillani. On me promit d’envoyer à Kariès, la métropole de la république, un exprès qui porterait notre patente de santé et y serait rendu avant moi. Je partis donc seul, comptant sur cette promesse, et je me fis débarquer à l’extrémité orientale de la presqu’île où est situé le monastère d’Aghia-Labra. La petite anse près de laquelle je pris terre est dominée par une tour que les habitans du pays nomment l’Arsenal, et dont l’architecture paraît être du XIe ou XIIe siècle. A l’abri de ces constructions, je trouvai plusieurs moines qui revenaient de la pêche ; les uns pliaient leurs filets, les autres échouaient leur barque sur le sable. Je remarquai qu’ils en démontaient le mât, ainsi que, selon Homère, le firent les Grecs en arrivant au promontoire Sygée. On donne le nom général de pyrgos à ces tours placées sur les bords de la mer, et qui servent de défenses aux couvens. L’architecture rappelle celle de nos châteaux féodaux, et ces tours pourraient bien avoir été construites par les croisés qui revenaient de la Terre-Sainte. On sait que, lorsque Baudouin se fut rendu maître de Constantinople, plusieurs de nos chevaliers se fixèrent en Grèce et fondèrent la dynastie des ducs d’Athènes, placés par saint Louis sous la suzeraineté des princes de Morée. On trouve encore des traces de leur passage dans plusieurs couvens dont ils ont fait construire les églises.

A peine débarqué, je me dirigeai vers un sentier presque couvert d’aubépines en fleur et de caroubiers, qui me conduisit, après un quart d’heure de montée, au couvent d’Aghia-Labra. Je fus reçu par l’igoumenos (chef), lequel me dit qu’il fallait me présenter avant tout à Kariès pour obtenir la permission de parcourir l’intérieur du pays. Je fis répondre que je comptais m’y rendre, mais que j’attendais de son obligeance l’autorisation de visiter d’abord son couvent. L’igoumenos m’accorda cette permission, et je fus introduit.

Dans tous les couvens du mont Athos, le système de construction est à peu près le même. Avant d’entrer au monastère d’Aghia-Labra, j’avais déjà pu prendre une idée des formes qu’affecte généralement cette architecture monastique. A l’extérieur, les couvens présentent un groupe de constructions, une agglomération d’angles rentrans et sortans