Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/773

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’Archivio storico se proposent, par d’autres moyens, d’obtenir les mêmes résultats ? Ce que nous désirons surtout, c’est qu’on ait sans cesse devant les yeux la nécessité d’initier le peuple italien à la connaissance du véritable état de l’Europe ; car, tant qu’en Italie on se nourrirait d’illusions, tant que l’on y croirait à l’imminence, si souvent annoncée, d’une conflagration générale, il serait impossible d’embrasser franchement et sans arrière-pensée les idées d’amélioration pacifique et progressive qui seules peuvent assurer l’avenir de ce pays. Pour propager de telles idées, pour faire bien connaître l’Europe aux Italiens, nous comptons spécialement sur quelques hommes d’un mérite supérieur que les événemens politiques avaient contraints à s’expatrier, et auxquels la sagesse de Pie IX et du roi Charles-Albert ont déjà rouvert les portes de l’Italie, ou qui ne sauraient tarder à être rappelés dans leur pays. Des hommes tels que l’abbé Gioberti, le comte Mamiani, le professeur Orioli (nous pourrions en citer plusieurs autres), dont les noms jouissent d’une juste célébrité, sont faits pour être écoutés par leurs concitoyens lorsqu’ils leur parlent des pays dans lesquels leur amour pour l’Italie les a forcés de séjourner long-temps, et où ils ont reçu la plus noble hospitalité.

Afin que les réformes dont l’Italie a besoin puissent s’accomplir légalement et pacifiquement, il est nécessaire que les gouvernans et les gouvernés travaillent d’un commun accord et dans des vues de conciliation, et qu’une entière confiance s’établisse entre les princes italiens et les populations dont ils doivent vouloir faire le bonheur. Nous savons qu’il n’est pas aisé d’effacer les méfiances et les rancunes auxquelles les événemens qui sont arrivés depuis un demi-siècle ont pu donner naissance : mais nous ne concevrions pas qu’en présence des faits qui se passent de nous jours et lorsqu’on voit la satisfaction générale, la joie sincère avec laquelle ont été accueillies les réformes sages et modérées que le roi de Piémont et le pape ont introduites dans leurs états, les autres gouvernemens italiens pussent se refuser à certaines concessions que l’opinion publique réclame, et qui (ces gouvernemens n’ont qu’à regarder autour d’eux pour s’en convaincre) n’aboutiraient en définitive qu’à augmenter leur stabilité. Nous n’ignorons pas toutes les difficultés qui s’opposent aux premières concessions, aux premières réformes. Dans des pays où les abus ne profitent guère aux princes, il se trouve toujours une foule d’intéressés, qui jettent des cris d’alarme et qui s’efforcent de répandre l’effroi dans les hautes régions du pouvoir, lorsqu’on veut jucher à ce coffre vermoulu de l’arbitraire qu’ils appellent l’arche sainte de la royauté. On comprendrait à la rigueur de telles craintes, s’il s’agissait de traiter avec des partis qui ne rêvent que désordre et bouleversement ; mais les concessions qu’on peut faire à l’opinion modérée doivent avoir précisément pour résultat de consolider les gouvernemens en leur assurant le concours de la grande majorité des esprits, et de réduire en même temps à l’impuissance ces partis extrêmes qu’on ne voit apparaître sur la scène que là où l’opinion modérée, qui ne demande pas mieux que de s’entendre avec les gouvernemens, n’est pas satisfaite. Étendre la base sur laquelle s’appuie le pouvoir en s’entourant peu à peu des hommes les plus sages et les plus estimés ; faire un appel, à l’exemple de Pie IX, aux esprits le plus éclairés pour en former le noyau d’un conseil d’état ; augmenter graduellement la liberté de discussion (seul remède efficace contre les publications