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phrases. Il est cependant un fait qui nous prouve que cette corruption, dont on parle tant, n’est pas si universelle, si intime, que quelques-uns voudraient nous le donner à penser : c’est précisément l’impression vive et douloureuse qu’a produite la déplorable affaire soumise au jugement de la pairie. La conscience publique a été froissée cruellement ; elle a tressailli, elle a prouvé par de nobles mouvemens qu’elle n’était pas éteinte.

En Angleterre, le gouvernement, loin d’être, comme chez nous, au milieu des embarras que donne une chambre nouvelle, est presque indifférent aux derniers travaux du parlement, et se préoccupe surtout des élections générales, dont l’époque approche. On les annonce pour la fin de juin. Cette perspective ôte presque tout intérêt aux incidens parlementaires qui peuvent se produire jusque-là. Aussi le ministère ne s’est pas beaucoup ému en voyant la chambre des lords adopter, sur la proposition de lord Monteagle et de lord Stanley, des amendemens qui modifient profondément le bill relatif aux pauvres de l’Irlande. Les amis du cabinet font remarquer que celui-ci n’avait présenté cette loi des pauvres pour l’Irlande qu’à son corps défendant, sans confiance dans la bonté de la mesure, et uniquement pour satisfaire à un vœu d’une partie de l’opinion. On considère à Londres la mort prochaine de lord Besborough comme l’occasion de changemens importans dans le cabinet. Qui nommera-t-on vice-roi d’Irlande ? C’est un poste fort difficile à remplir, aujourd’hui plus que jamais. Il est probable que cette vice-royauté d’Irlande, offerte à lord Clarendon, à lord Auckland, qui l’ont refusée, sera donnée à lord Morpeth, qui entrerait dans la chambre des lords ; on sait que lord Morpeth est le fils aîné et l’héritier de lord Carlisle. M. Labouchère, secrétaire pour l’Irlande, désire se retirer ; on dit qu’il serait remplacé par lord Lincoln. Lord Dalhousie et M. Sidney Herbert entreraient aussi dans le cabinet. Sir James Graham irait dans l’Inde prendre la place de lord Hardings, qui demande son rappel. Ces divers arrangemens faciliteraient la réunion de soixante ou quatre-vingts peelistes au parti whig. Si cette coalition, qui laisserait sir Robert Peel dans un notable isolement, se réalisait, elle assurerait un long avenir à l’administration whig. On parle encore de la retraite de lord Lansdowne, président du conseil. Ce poste de président du conseil n’est plus une sinécure comme autrefois. Le président du conseil est en réalité aujourd’hui le ministre de l’instruction publique. Lord Lansdowne est de plus le leader de la chambre des lords ; il y représente le cabinet, ce qui exige beaucoup d’assiduité ; aussi succombe-t-il sous le poids des affaires ; son parti est pris de se retirer, et on a eu toutes les peines du monde à le retenir jusqu’à présent. On lui donnerait pour successeur dans la présidence du conseil lord Normanby, qui serait remplacé à Paris par lord Clanricarde. Ces modifications ministérielles sont probables et prochaines.

Au moment même où lord Palmerston renouvelait en plein parlement ses accusations contre le gouvernement grec et contre l’administration de M. Coletti, à laquelle il reprochait à la fois d’être concussionnaire et violente, M. Coletti prenait un parti énergique et prononçait la dissolution du parlement d’Athènes. C’est le 3 mai que lord Palmerston donnait avec véhémence son approbation à la motion de lord John Manners, qui demandait que le relevé de toutes les sommes payées par l’Angleterre pour l’emprunt grec jusqu’en 1847 fût déposé