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à des convenances particulières ? Enfin pourquoi, sur trois démissions, y en a-t-il une qui n’est pas volontaire ? Pourquoi cette différence dans la rédaction d’une des ordonnances consignées au Moniteur ? Dans les réponses que le cabinet devait à ces questions diverses, il s’agissait surtout d’éviter les détails irritans et tout ce qui pouvait blesser des susceptibilités en éveil, et cependant il fallait assigner un motif sérieux aux trois retraites ministérielles, surtout à celle qui avait été le plus remarquée. Le succès était non pas dans l’éclat, mais dans la circonspection des paroles. Sur le fond même de la politique, le langage de M. le ministre des affaires étrangères a été catégorique : le remaniement ministériel n’a rien changé à la politique du cabinet, qui continuera d’être l’expression des opinions conservatrices. Point de concessions à l’opposition ; un esprit de conciliation et de bon accord entre tous les membres et toutes les fractions, de la majorité, dont le gouvernement doit vouloir satisfaire toutes les tendances et tous les principes : tels sont les points sur lesquels a insisté M. Guizot. On sentait dans ses paroles le désir d’indiquer brièvement au parti conservateur combien il lui était nécessaire de rallier et de réunir les phalanges éparses où la confusion s’était introduite. Quant à la question personnelle qui concernait M. Lacave-Laplagne, M. Guizot a parlé de son ancien collègue avec de grands égards, où il n’entrait pas moins de prudence que de bon goût. Il s’est trouvé qu’un jour M. Lacave-Laplagne a été obligé de s’avouer qu’il ne marchait plus d’accord avec le cabinet, et, comme il ne pouvait lui convenir de paraître accepter la justesse des critiques adressées à son administration, il a naturellement voulu constater que sa retraite n’avait rien de volontaire. Tant de réserve rendait la modération facile à M. Lacave-Laplagne, et d’ailleurs on savait que l’ancien ministre des finances n’était disposé à donner à personne la joie d’entendre des récriminations amères sortir de la bouche d’un homme qui, il y a quelques jours encore, siégeait dans les conseils de la couronne. M. Lacave-Laplagne, tout en maintenant qu’il n’avait rien à regretter dans les mesures et les actes de son administration, a déclaré que sa situation nouvelle ne pouvait rien changer à son long dévouement à la cause de l’ordre et d’un sage libéralisme ; il a terminé en adressant à la majorité le conseil d’apporter plus que jamais dans ses manifestations un esprit d’union et d’ensemble, de resserrer plus que jamais ses rangs. Ces paroles honorent M. Lacave-Laplagne, qui oublie ainsi ses griefs personnels pour ne se préoccuper que de l’intérêt général. Avec ces explications, tout finissait naturellement. L’opposition, qui perdait l’espoir d’assister à une querelle de ménage dans le sein du parti conservateur, a laissé tomber le débat, qu’un effort isolé, resté sans écho, n’est pas parvenu à relever. Ainsi s’est terminé un incident qui avait un moment causé d’assez sérieuses inquiétudes au cabinet. La crise ministérielle proprement dite est terminée ; nous sommes loin pourtant de considérer le remaniement partiel qui vient d’avoir lieu comme une solution définitive de toutes les complications du moment. Ce remaniement peut avoir l’avantage de permettre au cabinet de mieux aborder les difficultés, s’il amène entre tous ses membres l’union qu’on y cherchait en vain dans ces derniers temps. Sous ce rapport, ce sera déjà un utile résultat ; mais il reste maintenant à faire face avec sagesse et mesure aux nécessités politiques de tout genre que nous avons signalées.

Si le cabinet ne s’est pas prononcé contre la prise en considération de la proposition