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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 mai 1847.

Nous venons de traverser une crise ministérielle. Quelles en sont les causes ? Au premier abord, on peut trouver étrange le spectacle qui nous a été donné. Nous avons vu une des majorités les plus considérables qui soient sorties depuis long-temps de l’urne électorale ébranler à plaisir sa propre autorité ; nous l’avons vue s’éparpiller, se partager en fractions hostiles les unes aux autres, et tourner ainsi ses forces contre elle-même. D’un autre côté, un ministère qui, de l’aveu des représentans de l’opposition, était, il y a trois mois, maître incontesté du champ de bataille, a perdu peu à peu une partie des avantages de cette situation ; il s’est trouvé un beau jour compromis, sérieusement menacé. Était-ce par quelque triomphe imprévu de l’opposition ? Non, s’il a été harcelé d’une façon périlleuse, c’est par ses propres amis : c’est d’eux qu’il a reçu des atteintes et des blessures. Il paraît que les grosses majorités, surtout quand elles débutent, sont presque irrésistiblement entraînées à des allures indépendantes qui ressemblent à de l’indiscipline et portent la confusion dans les rangs. Ce n’est pas la première fois que, depuis seize ans, une majorité puissante a pu inquiéter par son attitude le pouvoir avec lequel cependant elle était d’accord sur le fond des choses. En 1834, la situation parlementaire n’a pas été sans ressemblance avec les incidens auxquels nous assistons aujourd’hui. À cette époque, il y avait eu aussi des élections générales qui avaient assuré le triomphe de la politique du gouvernement. Néanmoins la chambre nouvelle mit à l’approbation qu’elle donnait du passé de telles nuances, de telles restrictions, que le cabinet du 11 octobre crut un moment devoir se retirer. On se rappelle l’apparition du ministère des trois jours, intermède parlementaire qui ne manqua pas de gaieté. Le cabinet du 11 octobre revint, parce qu’il n’avait pas alors de successeurs possibles et suffisans.

Toute chambre nouvelle, lors même qu’il est loin de sa pensée de rompre avec les traditions de ses devancières, a cependant l’ambition de manifester un esprit, des tendances qui lui appartiennent : ambition naturelle et bonne qui imprime