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nom de M. F. David de ceux de Mozart, de Beethoven et de Rossini. On n’aurait pas fait un plus grand outrage à la raison et à la vérité, en disant que le poète qui e raconté l’histoire touchante de Marie est l’égal d’Homère, ou que le peintre d’un joli tableau de genre peut être comparé au génie vigoureux qui a tracé l’épopée du Jugement dernier. Quelques rares esprits protestèrent seuls contre l’engouement général et apprécièrent avec plus de mesure l’œuvre et le talent de M. F. David. Des idées un peu courtes, mais gracieuses et accompagnées avec beaucoup de goût, une imagination douce et rêveuse aimant à réfléchir les images riantes de la nature, de la fantaisie sans effort, quelques mélodies originales recueillies avec discernement et fort bien rattachées au cadre principal, la nouveauté du sujet parfaitement en harmonie avec les facultés du compositeur, une instrumentation facile, claire, ingénieuse, sobre de ces effets grossiers et ambitieux qu’on rencontre si souvent dans les symphonies de M. Berlioz, telles sont les qualités qui ont fait le succès de l’œuvre de M. F. David ; mais dans ce paysage charmant, dans cette fraîche oasis que la magie du poète a fait surgir au milieu du désert, on respire je ne sais quelle langueur monotone qui accuse un musicien d’une nature bornée, quoique délicate, peu féconde et presque impuissante à exprimer l’énergie et la variété des sentimens dramatiques.

L’accueil que reçut, un an après le Désert, la symphonie dramatique de Moïse put éclairer M. F. David sur la véritable portée de son talent. Égaré par son succès, qui pourtant avait reçu plus d’une atteinte dans ses voyages à travers l’Allemagne et l’Italie, il s’attaqua à l’un des plus grands sujets que puisse choisir un artiste. Son Moïse, qui ne fut exécuté qu’une seule fois à l’Opéra, au milieu d’une assemblée triste et silencieuse, compromit sa réputation même aux yeux de ses admirateurs effrénés. L’ode-symphonie de Christophe Colomb a-t-elle montré le talent de M. David sous un aspect nouveau ? C’est ce qu’il nous reste à examiner.

La symphonie dramatique de Christophe Colomb est divisée en quatre parties intitulées : le Départ, une Nuit des tropiques, la Révolte, le Nouveau-Monde. Après quelques mesures insignifiantes d’introduction, l’orchestre frappe une pédale inférieure, procédé déjà employé dans le Désert. Sur cette pédale un coryphée déclame une invocation à l’Océan, puis le drame commence. Prêt à s’embarquer pour son glorieux voyage, l’ame remplie de la grandeur de sa mission, Colomb, seul en face de la mer, exprime les vagues espérances de son génie en chantant un air des plus médiocres sur des vers puérils. Le dialogue qui suit, entre Colomb et le chœur des matelots, n’est pas mieux réussi ; le duo entre de jeunes amans que le voyage va séparer pour jamais peut-être ne se recommande que par quelques détails d’accompagnement, et, dans toute cette première partie, il n’y a d’un peu remarquable que le morceau de symphonie qui annonce le départ de la flotte. Il débute par un crescendo vigoureux des instrumens à tordes, auxquels vient se mêler la voix héroïque des trompettes. Au-dessus d’un tremolo strident que frappent les violons, comme dans le Lever de l’aurore, on entend les sons perçans de la petite flûte, et, à l’extrémité opposée, des coups périodiques et sourds qui imitent le fracas du canon et qui s’éteignent dans le lointain. Cet effet ne manquerait pas de grandeur s’il était mieux préparé, plus varié d’incidens mélodiques et moins court.