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qui plane bientôt au-dessus du désert et y soulève un tourbillon de sable. Pour peindre cette convulsion de la nature et le trouble qu’elle jette dans l’esprit des voyageurs dont on entend au loin les cris, le compositeur a réuni toutes ses forces, et il a fait un morceau distingué, mais un peu court, dépourvu de cette variété d’épisodes et de cette instrumentation puissante qui font de l’orage de la Symphonie pastorale une merveille de l’art. L’ouragan une fois passé, on entend de nouveau le chœur dont les derniers accords expirans terminent la première partie.

Au milieu de l’obscurité sereine qui enveloppe le désert, la caravane s’arrête épuisée. Une voix solitaire exprime le bonheur commun en chantant un hymne à la nuit. C’est une mélodie suave accompagnée avec un goût vraiment exquis. Sur un dessin de basse continue qui la suit incessamment comme une ombre qu’elle projette, la flûte, la clarinette et le hautbois exhalent tour à tour de charmantes imitations qui vous pénètrent d’une voluptueuse langueur. Nous ne dirons rien de la Fantasia arabe, dont le caractère étrange et la tonalité douteuse accusent l’origine parfaitement orientale ; mais la Danse des almées, qui vient après, est un morceau de symphonie rempli de coquetterie et de très jolis détails. On y remarque surtout une double gamme ascendante et descendante, faite à la tierce par le hautbois et la clarinette, qui réveille l’idée d’une spirale lumineuse traversant l’horizon, d’un feu du Bengale sillonnant une nuit obscure. La Rêverie du soir, dont le motif n’appartient pas à M. F. David, est une mélodie douce et flottante qui termine assez heureusement la seconde partie.

La troisième et dernière partie commence par le Lever de l’aurore, morceau de symphonie imitative dont on a beaucoup trop vanté le mérite et la nouveauté. Les violons armés de sourdines attaquent sur les sons les plus élevés de leur échelle un tremolo presque imperceptible qui agite l’air comme un essaim de papillons qui voltigent. Au-dessus de ce tremolo dont l’intensité s’accroît progressivement, les instrumens à vent jettent çà et là quelques notes plaintives comme dans le tableau du Guerchin on voit l’Aurore parsemer la terre de fleurs matinales. Peu à peu et tour à tour les violons se débarrassent de leurs sourdines, et l’orchestre s’ébranle en un tutti puissant qui enivre l’oreille d’une sonorité éclatante. Cette progression, qui ne dure que trente-cinq mesures, fait assez bien comprendre l’apparition instantanée de la lumière dans les pays du midi ; mais c’est ici qu’on peut aussi apprécier la stérilité de la musique imitative, lorsqu’elle n’est pas le retentissement extérieur d’une émotion de l’ame, l’écho matériel de la vie qui nous agite. On reste froid après avoir entendu cette curiosité instrumentale, parce qu’aucun sentiment ne la prépare et ne l’amène, tandis que, dans le premier acte du Moïse de Rossini, on jette un cri de joie à l’apparition de cette belle modulation qui accompagne le retour tant désiré de la clarté des cieux.

Après cette peinture musicale de l’aurore, il n’y a plus que le Chant du Muezzin avec des paroles arabes et quelques chœurs qu’on a déjà entendus dans la première et la seconde partie.

Lorsqu’il y a deux ans on exécuta pour la première fois, à Paris, l’ode-symphonie du Désert, la critique sans principes, qui vit au jour le jour, fut prise au dépourvu et perdit tout-à-fait contenance. Il y eut un concert d’éloges les uns plus extravagans que les autres, et on s’oublia jusqu’au point de rapprocher le