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devait atteindre son développement suprême. Nous ne nous arrêterons ni aux petits morceaux de musique écrits dès le commencement du siècle pour viole, basse de viole, luth et théorbe, et connus sous le nom de ricercari, ni aux essais plus larges et plus hardis de l’Italien Sammartini : c’est à Joseph Haydn que revient la gloire d’avoir créé ce poème de la musique instrumentale. Cinq grands épisodes qui se subdivisent en une foule d’idées secondaires composent ordinairement le cadre d’une symphonie. Une courte introduction d’une allure solennelle prépare un allegro qui engage et noue l’action ; vient ensuite un cantabile suivi d’un scherzo plus ou moins vif, et le tout se termine par un finale chaleureux et imposant. Voilà le simple canevas que Haydn a rempli de beautés admirables, et dont il a su faire une merveille de l’art. Sans rien ajouter à l’ordonnance de ses parties, Mozart a donné à la symphonie un charme plus pénétrant, et Beethoven y a fait entrer le trouble et la majesté de son génie. La symphonie, comme Haydn l’a traitée, est un tableau flamand, la peinture savante d’une réalité paisible et bien ordonnée. Celle de Mozart ressemble à un paysage de Claude Lorrain avec ses horizons mélancoliques, où s’apercevraient de loin un beau château dans le style de la renaissance et quelque donna Elvira errante et malheureuse ; celle de Beethoven, à un paysage de Salvator Rosa ravagé et puissant.

Pendant que l’Allemagne portait la symphonie à un si haut degré de perfection, que devenait chez nous ce cadre trouvé par Gossec ? Il faut arriver jusqu’à ces derniers temps pour trouver en France des essais vraiment sérieux de symphonie. C’est depuis une vingtaine d’années seulement que l’audition fréquente des symphonies, des quatuors et des sonates d’Haydn, de Mozart et de Beethoven, l’admirable exécution de la société des concerts du Conservatoire, ont éveillé, dans le public français, le goût de la musique instrumentale, et ont évoqué quelques talens que nous allons apprécier. Nous les diviserons en deux groupes dans l’un, nous rangerons ceux qui se sont contentés de suivre avec distinction la trace lumineuse des maîtres, et dans l’autre ces génies aventureux qui ont essayé de mêler le drame à la symphonie, qui ont voulu réunir dans un même cadre la peinture des passions, les ravissemens de la poésie lyrique et les caprices de l’imagination.

En tête du premier groupe des symphonistes français, nous placerons M. G. Onslow. Né dans une position indépendante, vivant presque toujours dans la retraite, au sein de l’opulence et des loisirs de l’esprit, M. Onslow a étudié la musique comme un art d’agrément, propre à orner l’éducation d’un homme comme il faut, avec la ténacité d’une organisation moins sensible que réfléchie. Il apprit d’abord sous la direction de plusieurs maîtres, entre autres de Dusseck et de Cramer, mais plus encore par la lecture des chefs-d’œuvre consacrés, ces principes généraux de l’harmonie et de la composition, qui ne sont que de vaines abstractions et des jouets de la mémoire, si, de très bonne heure, on n’a pas été accoutumé à les féconder par l’application. Plus tard, M. Onslow, éprouvant le besoin d’éclaircir ses idées et d’analyser de plus près les procédés de l’art d’écrire, réclama les conseils de Reicha, qui, en effet, le conduisit au but qu’il voulait atteindre. M. Onslow a publié plusieurs œuvres de quintetti fort estimés en Allemagne, en Russie, en Angleterre, mais qui, en France, n’auraient pu lui ouvrir les portes de l’Institut s’il n’avait eu, pour appuyer sa candidature, trois