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de Naples[1]. La junte suprême ainsi que la municipalité de Madrid suivirent l’exemple du conseil de Castille ; ils écrivirent le même jour à l’empereur pour lui faire connaître leurs vœux en faveur de Joseph Napoléon et leur désir de concourir à l’exécution de ses grands desseins.

Cependant les vieux souverains, l’ex-reine d’Étrurie, l’infant don Francisco de Paula et le prince de la Paix avaient quitté Bayonne et s’étaient dirigés sur Compiègne. Cette résidence, surtout la forêt magnifique qui l’entoure, séduisirent d’abord Charles IV ; mais la sévérité du climat ne lui permit pas d’y faire un long séjour. Le 17 septembre 1808, il quitta Compiègne pour n’y plus revenir, et se transporta à Marseille, où il se fixa pendant plusieurs années.

Ferdinand, son frère don Carlos, l’infant don Antonio et quelques serviteurs fidèles demandèrent à n’être point séparés dans leur commun exil. L’empereur leur assigna pour demeure le château de Valençay, propriété du prince de Talleyrand. Ils partirent pour s’y établir le 11 mai. Le château de Valençay était un domaine princier, digne, par sa magnificence, des hôtes illustres qui allaient l’habiter ; mais il n’en était pas moins pour l’homme qui venait d’être précipité du trône une odieuse prison. La fatalité de sa position le voulait ainsi. Ferdinand, en perdant sa couronne, ne pouvait pas conserver sa liberté ; du moins il pouvait ennoblir son infortune par sa dignité et son courage. Le jour même de son arrivée à Valençay, il prend la plume il écrit à son ennemi, à l’homme qui l’a découronné et fait son prisonnier, à l’empereur enfin ; il lui écrit pour lui offrir ses respectueux hommages. Bientôt il s’agenouille plus bas encore. Il apprend l’élévation de Joseph sur le trône d’Espagne : par une nouvelle lettre du 22 juin, il exprime à l’empereur la satisfaction que cet événement lui a fait éprouver, ainsi qu’à ses frères et à son oncle ; il fait plus, il écrit lui-même au prince qui vient d’usurper sa couronne ; il lui écrit pour le féliciter, et cette lettre, il l’envoie à l’empereur en le priant, quand il l’aura lue, de daigner la présenter à sa majesté catholique, « une médiation si respectable, dit-il, lui garantissant que sa lettre sera reçue avec toute la cordialité que lui, ses frères et son oncle désirent. » Ce sont là des actes d’une incomparable bassesse. A la vue de Ferdinand cherchant sa sécurité en baisant la main qui le frappe, l’ame se soulève de dégoût, et cependant qui oserait s’attribuer le droit d’en faire peser toute la honte sur ce jeune et malheureux prince ? En présence d’une si grande infortune, il en coûte à l’histoire d’accuser et de condamner ; elle ne peut que gémir et se taire.


ARMAND LEFEBVRE.

  1. Dépêches de M. de Laforest, 13 mai 1808.