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les mois de janvier et de février 1847, la moitié des provinces, la ville de Porto persistait dans la rébellion. La mer restait libre devant elle ; tous les bateaux à vapeur du commerce et de l’état étaient successivement entrés dans les eaux du Douro pour n’en plus sortir. La douane fournissait aux besoins de la ville et servait à défrayer la junte d’une partie de ses dépenses. Si la cour régnait à Lisbonne, le peuple régnait à Porto. Je ne sais laquelle des deux villes présentait le moins triste aspect, car les juntes populaires ont parfois le commandement violent et impérieux. L’état de siège était plus rude à supporter sur les bords du Douro que sur ceux du Tage, attendu que le voisinage des troupes royales tenait perpétuellement en éveil les patriotes rassemblés sur les murailles. Une tentative fut faite, avant la bataille de Torres Vedras, pour tromper ou endormir leur vigilance, et enlever le duc de Terceira de la citadelle de Foz. Un Anglais établi depuis long-temps en Portugal avait été chargé de cette mission délicate ; il revint à Lisbonne, dans le petit sloop qui l’avait emmené, annoncer à la cour que la ville insurgée se tenait en garde contre les séductions autant que contre les attaques à main armée. Bientôt un bateau à vapeur, parti de Porto, poussa l’audace jusqu’à charger du charbon à l’entrée du Tage, presque à la vue des forts. Qui aurait pu l’en empêcher ? La dernière corvette disponible qui restât au gouvernement venait de faire voile pour les Açores, où elle allait chercher des troupes ; la jolie frégate la Diane, après une courte croisière devant l’embouchure du Douro, était rentrée avec son grand mât brisé, et, depuis lors, bien que réparée, elle ne sortait plus on l’utilisait en la faisant servir de prison. L’insurrection put donc reprendre l’offensive par mer ; on n’ignorait pas à Porto que si la capitale des Açores, Terceire, tenait décidément pour le parti de la reine, la plus florissante de ces îles, San-Miguel, se prononçait pour la junte. Terceire n’avait aucun moyen d’envoyer à la capitale les troupes demandées, tandis que San-Miguel expédiait au gouvernement insurrectionnel une somme de 600,000 francs. Cette somme eût été un trésor pour l’état, dont les finances se trouvaient épuisées ; la junte, à court d’argent, l’attendait aussi avec une extrême anxiété. Par les deux partis à la fois, des navires de guerre furent lancés à la recherche du bâtiment convoité, qui, prévoyant le péril, prit le large pour cingler droit vers Porto, où il entra sain et sauf : on eût dit qu’il s’agissait de surprendre un convoi de galions portant les richesses du Pérou.

Maîtres de la mer, les insurgés du nord s’étaient mis plus fréquemment et plus sûrement en rapport avec ceux du sud ; la petite junte de l’Algarve se soumit, volontiers à l’autorité de la grande junte du Minho. Il y eut entre elles unité de vues et d’action jusqu’à ce que la levée de boucliers des miguélistes eût apporté dans cette lutte un élément nouveau. Il fallait que les habitans de Porto fussent exaspérés et