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épanchemens de place publique aux jours de danger ne conviennent pas au caractère portugais. Les patrouilles, — et dans ces pays de petites armées elles sont de deux hommes, — multipliaient le long des quais leurs rondes inutiles. On ne voyait rien que les gouttes de pluie tombant sur le schako des lanciers, et, si un cri troublait le silence, c’était celui que jette aux flots le patron de barque en appelant son canot.

Nul doute que la cour, satisfaite dans son invincible penchant de résistance à l’esprit libéral le plus modéré, ne se sentît soulagée d’un grand poids, nul doute qu’elle ne crût avoir retrouvé pour toujours cette liberté d’action qu’elle affectionne ; mais, tandis que les courtisans triomphaient, les hommes les plus influens et les plus compromis du parti septembriste, profitant de l’obscurité d’une nuit pluvieuse, abandonnaient furtivement la capitale, les uns pour éviter la prison, les autres pour rejoindre leurs amis épars dans les provinces et encore en place, tous décidés à organiser un mouvement insurrectionnel. Lisbonne, il ne faut pas l’oublier, n’est en communication avec les autres villes du royaume par aucune grande route proprement dite, par aucune diligence : les mécontens s’enfuirent donc à cheval, en bateau, comme ils purent, à travers la campagne, à la manière des anciens. Sur tous les points, l’alarme fut donnée : dans l’Algarve, toujours prêt à se soulever ; à Vizeu, à Coïmbre où l’on n’avait point perdu le souvenir des bombes lancées en 1837 par l’armée de Cabral ; à Porto, ville de résistance et d’organisation politique comme Barcelone, parce qu’elle est, comme la capitale de la Catalogne, laborieuse, commerçante et éclairée. Aussi, lorsque la cour, imprévoyante dans son aveuglement, envoya à Porto le duc de Terceira pour y proclamer le nouvel ordre de choses, on sait ce qui arriva. Le bateau à vapeur qui portait le maréchal franchit la barre du Douro et entra sans obstacle ; mais il ne revint plus. La population refusa de reconnaître la contre-révolution ; un groupe de gens exaltés, parmi lesquels se trouvait un Français, entoura tumultueusement le duc de Terceira, le fit prisonnier et le confina dans le port de Foz, se réservant ainsi un otage précieux. Avant que les hostilités fussent commencées, la cour avait perdu un de ses deux maréchaux !

Quand Porto se prononce, Lisbonne est tenue en échec, parce que Coïmbre, la ville des docteurs et des étudians, ne manque jamais alors d’organiser une junte, et l’insurrection trace ainsi un cercle menaçant qui se développe sur toute la frontière d’Espagne. Bientôt les insurgés se montrèrent dans les provinces ; on les vit se grouper dans le nord autour de Sà da Bandeira, vieux soldat d’une incroyable activité, d’une ardeur juvénile, que la guerre a rendu sourd, borgne et manchot. Au centre du royaume, un grand nombre de mécontens de toute classe et de tout rang se ralliait autour de M. de Bomfim, qui organisa jadis