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Les princesses me firent beaucoup de questions sur l’Europe et me parlèrent de plusieurs voyageurs qu’elles avaient vus déjà. C’étaient en général des légitimistes en pèlerinage vers Jérusalem, et l’on conçoit combien d’idées contradictoires se trouvent ainsi répandues, sur l’état de la France, parmi les chrétiens du Liban. On peut dire seulement que nos dissentimens politiques n’ont que peu d’influence sur des peuples dont la constitution sociale diffère beaucoup de la nôtre. Des catholiques obligés de reconnaître comme suzerain l’empereur des Turcs n’ont pas d’opinion bien nette touchant notre état politique. Cependant ils ne se considèrent à l’égard du sultan que comme tributaires. Le véritable souverain est encore pour eux l’émir Béchir, livré au sultan par les Anglais après l’expédition de 1840.

En très peu de temps je me trouvai fort à mon aise dans cette famille, et je vis avec plaisir disparaître la cérémonie et l’étiquette du premier jour. Les princesses, vêtues simplement et comme les femmes ordinaires du pays, se mêlaient aux travaux de leurs gens, et la plus jeune descendait aux fontaines avec les filles du village ainsi que la Rébecca de la Bible et la Nausicaa d’Homère. On s’occupait beaucoup dans ce moment-là de la récolte de la soie, et l’on me fit voir les cabanes, bâtimens d’une construction légère qui servent de magnanerie. Dans certaines salles, on nourrissait encore les vers sur des cadres superposés ; dans d’autres, le sol était jonché d’épines coupées sur lesquelles les larves des vers avaient opéré leur transformation. Les cocons étoilaient comme des olives d’or les rameaux entassés et figurant d’épais buissons ; il fallait ensuite les détacher et les exposer à des vapeurs soufrées pour détruire la chrysalide, puis dévider ces fils presque imperceptibles. Des centaines de femmes et d’enfans étaient employées à ce travail, dont les princesses avaient aussi la surveillance.


IX. – UNE CHASSE.

Le lendemain de mon arrivée, qui était un jour de fête, on vint me réveiller dès le point du jour pour une chasse qui devait se faire avec éclat. J’allais m’excuser sur mon peu d’habileté dans cet exercice, craignant de compromettre, vis-à-vis de ces montagnards, la dignité européenne ; — mais il s’agissait simplement d’une chasse au faucon. Le préjugé qui ne permet aux Orientaux que la chasse des animaux nuisibles les a conduits, depuis des siècles, à se servir d’oiseaux de proie sur lesquels retombe la faute du sang répandu. La nature a toute la responsabilité de l’acte cruel commis par l’oiseau de proie. C’est ce qui explique comment cette sorte de chasse a toujours été particulière à l’Orient. A la suite des croisades, la mode s’en répandit chez nous.

Je pensais que les princesses daigneraient nous accompagner, ce qui