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firent sauter le fort de l’Éminence et celui de l’Estissac ; mais ces ouvrages ont été relevés de 1811 à 1813 et complétés par le fort Napoléon, construit au point culminant de l’île. A Porquerolles, le château fondé par François Ier, détruit par les Anglais en 1794, rétabli par Napoléon, comprend une enceinte retranchée où se réfugierait au besoin la population civile. Enfin tous les points de débarquement des îles sont garnis de batteries. Leurs châteaux ont pour garnison des vétérans de l’armée de terre. Il vaudrait assurément mieux appliquer à la rade et particulièrement aux îles d’Hyères le principe posé dans l’ordonnance du 3 janvier 1843[1], et les faire garder par des matelots canonniers ; leur défense est intimement liée à celle de la rade de Toulon, aux opérations de la flotte ; elles ne peuvent être attaquées que par mer. De vieux marins pourraient, d’ailleurs, dans de pareils postes, réunir aux distractions habituelles des compagnies de vétérans le très utile service du passage entre les îles et la côte, et rien n’encouragerait davantage le repeuplement.

L’administration civile ne s’est point hâtée de marcher dans la voie ouverte par celle de la guerre. La presqu’île de Giens et la plage des salines, par lesquelles doivent s’établir les communications avec ces îles, sont à peine abordables du côté de terre, et, pour les travaux d’assainissement, on s’en rapporte au zèle des particuliers. L’île de Porquerolles, quoique séparée d’Hyères par la nature de ses intérêts et par un bras de mer à franchir, dépend de l’administration municipale de cette ville ; il en est de même des îles de Port-Cros, du Levant et de Bagau, dont le groupe, si bien disposé pour former une commune, est à trois lieues de la côte. La création d’institutions municipales qui leur soient propres est un des moyens de vivifier les îles, et, si elle était aujourd’hui prématurée, on devrait tout au moins s’acheminer vers l’état de choses qui la rendra facile et nécessaire. François Ier, Henri IV, Richelieu, Vauban, Napoléon, ont porté sur la rade d’Hyères une sollicitude qu’ont suffisamment justifiée, autrefois les entreprises de Charles-Quint, de nos jours celles des Anglais. Le temps est venu de compléter leur ouvrage, et cette tâche revient aujourd’hui à l’autorité départementale.

J.-J. Baude.
  1. « L’armée de mer sera chargée spécialement, sous les ordres du commandant des forces de terre, de l’armement, du service et de la garde des batteries qui ont une vue directe sur les ports, sur les rades intérieures adjacentes à ces ports, sur les passes et goulets conduisant aux rades intérieures, toutes les fois que les ouvrages auxquels appartiendront ces batteries n’intéresseront pas principalement le système de la défense du côté de terre de la place et de ses dépendances. »