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juges des avantages d’une position maritime, entreprirent en pleine paix de s’emparer de celle-ci ; ils donnèrent pour prétexte l’intention de fonder à Port-Cros un hôpital pour les malades de leur flotte, alors mouillée en rade d’Hyères ; mais cet accès d’humanité n’obtint pas le succès qu’ils ambitionnaient.

Quant à l’île du Levant, la plus grande des quatre, l’abord en est difficile et dangereux ; elle n’a pas de port, presque point d’eau. La culture du liége, qui n’exige que très peu de main d’œuvre, y réussit fort bien, et elle est à peu près le seul moyen d’en tirer bon parti.

Le repeuplement d’une étendue de 2,500 hectares, la propagation de l’industrie sur quelques rochers, seraient d’un médiocre intérêt dans un canton de l’intérieur de la France ; il en est autrement quand chaque famille qui se fixe vaut au moins un matelot à l’inscription maritime. Le mouvement total de la navigation dans les îles et sur les côtes, depuis la presqu’île de Giens jusqu’au cap Lardier, a été, en 1845, de 765 navires et de 36,989 tonneaux, sur quoi 21 navires et 1,175 tonneaux seulement sous pavillon étranger. Le même mouvement n’était, en 1837, que de 26,490 tonneaux ; ainsi le progrès est très marqué. Si maintenant on vient à s’enquérir du personnel et du matériel naval de ces mêmes parages, on est surpris de ne trouver que 217 hommes inscrits et 48 embarcations, portant ensemble 110 tonneaux, c’est-à-dire des bateaux pêcheurs de la plus petite dimension. Cette situation changerait évidemment sous l’influence de l’établissement d’une population laborieuse dans les îles. Les salines d’Hyères semblent placées de l’autre côté de la rade tout exprès pour fournir des matières premières aux nombreux ateliers qui s’installeraient vis-à-vis ; elles livrent déjà 160,000 quintaux métriques de sel au cabotage et 25,000 à la navigation internationale ; leur étendue est de 315 hectares, et l’industrie peut multiplier en sécurité les demandes qu’elle leur adresse. Si leurs produits étaient manipulés à Port-Cros et à Bagau comme ils commencent à l’être à Porquerolles, si l’assainissement de la plage y fixait de nouveaux habitans, qui douterait que la rade d’Hyères, incessamment sillonnée par les nombreuses embarcations qui desserviraient les marchés et les manufactures des îles, ne devînt une pépinière de matelots ?

Les îles ne pouvaient se peupler qu’autant qu’une certaine sécurité leur serait garantie. L’administration de la guerre a dès long-temps pris soin de poser ici les bases sur lesquelles s’asseoient en commun la défense et la prospérité du pays. L’avertissement donné par les Anglais en 1742 ne fut point alors perdu, comme l’a depuis été celui de 1812 à la Ciotat ; les fortifications dues au cardinal de Richelieu, réparées par Vauban, étaient depuis long-temps négligées ; elles furent rétablies, et les principaux travaux de casernement exécutés à Port-Cros datent de cette époque. A la vérité, ces mêmes Anglais, en se retirant en 1794,