Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/601

Cette page a été validée par deux contributeurs.

petite rade ; la loi du 19 juillet 1845 a mis à sa disposition les 10 millions : les travaux sont commencés, et jusqu’à présent le succès en paraît assuré.

Mais, si l’envasement continue à marcher comme par le passé, les résultats d’une si belle entreprise ne seront-ils pas immédiatement atténués et compromis ? La flotte jouira-t-elle long-temps de la profondeur de mouillage acquise à si grands frais ? Faudra-t-il choisir entre un dévasement chronique et des frais d’entretien excessivement dispendieux ? L’avenir de l’établissement de Toulon sera-t-il subordonné à la négligence de l’administration, à la pénurie des finances, et les dangers conjurés en 1845 retomberont-ils sur nos neveux, au milieu de quelque guerre malheureuse ? — Ces affligeantes questions se posent d’elles-mêmes, et il est triste d’avouer que les documens publiés jusqu’à ce jour ne permettraient guère d’y répondre négativement.

Si décourageante que soit souvent l’expérience du passé, son silence n’est pas toujours une condamnation sans appel de la recherche des solutions qui lui ont échappé, et il n’est pas dit qu’à Toulon même un examen attentif des lieux ne puisse révéler aucun moyen nouveau de prévenir l’envasement de la rade.

Les habiles ingénieurs dont les travaux ont donné la mesure du mal ont voulu remonter à ses causes. « En plongeant des lances armées de plomb sur les bancs qui rétrécissent les mouillages et les chenaux de la petite rade, ils ont reconnu partout la présence de racines et d’abondans détritus d’herbiers mêlés à la vase dans toute l’épaisseur des couches traversées par ces lances, et ils ont considéré la végétation très active qui a lieu sur ces bancs comme la cause principale de leur exhaussement progressif. » Ils sont aussi demeurés convaincus que les immondices de la ville de Toulon avaient beaucoup contribué à l’envasement.

Si les matières accumulées dans la rade n’avaient pas d’autre origine, elles seraient presque exclusivement animales et végétales : qu’on en jette quelques parcelles au feu, et le résidu montrera qu’elles sont, au contraire, presque exclusivement terreuses. C’est donc du côté de la terre qu’il faut chercher d’où elles viennent.

Le principal agent de l’exhaussement du fond de la rade n’est pas la végétation sous-marine : c’est incontestablement le Las, et il est secondé dans ce travail par le ruisseau de Brégaillon et par quelques filets d’eau imperceptibles pendant la belle saison. A chaque orage, à chaque pluie, ces cours d’eau charrient dans la rade les dépouilles des montagnes voisines, et elle ne perd pas un atome de ce qu’elle en reçoit. Il ne faut pas aller bien loin pour trouver des témoignages de l’abondance de ces alluvions : celles du Las ont formé aux portes de la ville les vastes prairies de Castigneau et de Missiessy ; elles ont fait reculer les eaux qui jadis occupaient cette place. Lorsque l’embouchure de la rivière a été reportée