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sensiblement affecté, mais dont on s’est fort alarmé depuis une cinquantaine d’années. L’eau n’a pas aujourd’hui deux mètres de profondeur dans telle partie de la rade où la carte de 1704 en signale cinq et six brasses ; la flottille du commandant Féraud n’arriverait plus à la place du mouillage où l’atteignait en 1793 le canon des batteries de Bonaparte ; on ne fait plus entrer un vaisseau de 100 canons dans le port qu’en le désarmant, ou en lui frayant le passage avec la machine à draguer ; tous les jours, les bateaux à vapeur labourent la vase avec leur quille, et l’apparition d’îles, qui finiraient en s’élargissant par se réunir au rivage, serait la conséquence inévitable de la persistance des causes qui ont produit ces effets. Les deux dernières cartes hydrographiques de la rade de Toulon ont été levées, l’une en 1809 par le capitaine Gautier, l’autre en 1839 par MM. Monnier, Le Bourguignon-Duperré, Bégat, Lieusson et Delamarche, ingénieurs hydrographes de la marine. Il résulte de la comparaison des sondages faits à trente ans de distance : 1° que dans cette période le fond de la petite rade, ainsi que le chenal qui y conduit, se sont élevés de plus de 80 centimètres ; 2° que le grand banc qui sépare le chenal de Castigneau du mouillage de l’Éguillette s’est avancé vers le sud d’environ une encâblure et s’est exhaussé de près d’un mètre sur toutes ses parties ; 3° que le chenal de la petite rade qui, en 1809, était déjà d’un accès très difficile, est aujourd’hui réduit à une encâblure au plus dans le nord nord-ouest de la Grosse-Tour[1].

A ces documens authentiques s’est ajoutée, dans une circonstance solennelle, une déclaration de M. le baron de Mackau, ministre de la marine : « La petite rade qui forme la partie essentielle de l’établissement de Toulon se trouve aujourd’hui, disait-il, tellement rétrécie par l’élévation successive du fond, résultat de l’accumulation des vases et de la végétation sous-marine, que les mouvemens des vaisseaux y sont devenus très difficiles dans certaines circonstances du temps et de la mer… L’étendue de la portion de la petite rade accessible aux vaisseaux et frégates a sensiblement diminué et ne répond plus aux besoins du service… Cet état de choses, très fâcheux pour le présent, est encore plus menaçant pour l’avenir, puisqu’en diminuant nos ressources il aurait pour effet, surtout en temps de guerre, une grande gêne dans toutes les opérations maritimes[2]. »

Ces paroles ont été comprises : le ministre promettait de donner, au prix de 10 millions, une profondeur uniforme de 9 mètres 50 cent. à la

  1. Dépôt de la marine. — Plan de le rade de Toulon et de ses divers mouillages, levé en 1839, dressé en 1841, et publié en 1842 sous le ministère de M. l’amiral Duperré.
  2. Exposé des motifs du projet de loi portant demande d’un crédit extraordinaire de 10,500,000 francs pour le curage et la défense de la petite rade de Toulon (6 mai 1845).