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sa marine à voile vis-à-vis de celle de l’Angleterre est évidente, et ce serait une bien fatale erreur que d’espérer une lutte plus égale de marine à vapeur à marine à vapeur : la supériorité de nos voisins est, sous ce rapport, encore plus grande que sous l’autre ; mais, si les troupes de terre s’introduisent comme élément dans les opérations de la flotte, l’équilibre se rétablit, et nous retrouvons dans nos soldats plus qu’il ne nous manque en matelots. Ajoutons que, sur la Méditerranée, nous sommes chez nous, et que l’Angleterre n’y peut entretenir d’hommes qu’avec une dépense triple de celle que nous coûtent les nôtres.

Si ces faits sont exacts, il importe beaucoup moins aujourd’hui de doubler l’arsenal de Toulon que de le transformer, de demander au pays des sacrifices ruineux que de répartir avec intelligence sur un service qui s’accroît les ressources d’un service qui s’affaiblit. Les dimensions et les dispositions intérieures d’un arsenal doivent, aussi bien que ses approvisionnemens, se régler sur la nature des forces qu’il alimente, et, qu’on veuille bien le remarquer, l’arsenal de la Méditerranée est, à cet égard, dans des conditions fort différentes de celles des arsenaux de l’Océan. Placé sur la mer à la configuration de laquelle s’adapte le mieux la marine à vapeur, il est seul rapproché de nos mines de houille. Il semble donc que, si l’administration de la marine appliquait les ressources variées dont elle dispose aux besoins auxquels chacune s’approprie le mieux, elle fortifierait à Toulon les ateliers de la marine à vapeur et conférerait aux ports de l’Océan une prépondérance marquée pour les constructions de la marine à voile.

Cette disposition aurait, entre autres avantages, celui de permettre de purger l’arsenal de la présence d’un établissement qui en flétrit l’aspect, en contamine les travaux et en compromet la sûreté. On voit qu’il s’agit ici du bagne. A la seule inspection de l’arsenal de Toulon, toute personne familiarisée avec les ateliers ordinaires, et sachant évaluer la capacité de travail des hommes, sera convaincue de la possibilité de s’y passer du concours des forçats. Je m’abstiendrai de dire ici mon sentiment sur le parti que l’administration de la marine tire depuis trente ans des matières qui lui sont confiées, des hommes dont elle dirige les bras ou l’intelligence ; pour le justifier, il faudrait entrer dans des détails qui toucheraient aux causes du contraste qui règne entre l’énormité de ses dépenses et la mesquinerie des résultats obtenus, et ils ne seraient point ici à leur place. Je me bornerai à exprimer la conviction profonde qu’avec une autre organisation du travail, la suppression de tolérances inconnues dans les arsenaux de l’artillerie, et un emploi judicieux de machines très simples, on obtiendrait des ouvriers ordinaires de l’arsenal, sans augmenter leur nombre et en améliorant leur condition, tout ce que la chiourme produit d’utile. Quant à celle-ci, quoique son effectif moyen soit de 3,600 hommes, il serait