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cales de construction qu’elle a formée au Mourillon, en dehors des remparts, est séparée de ses magasins par toute l’épaisseur de la ville, et si l’on a cherché la combinaison la moins favorable à l’économie du travail, à la facilité de la surveillance et à la sûreté militaire, on a parfaitement rencontré. De nouveaux agrandissemens sont aujourd’hui résolus, et cette fois on ne suppose même pas qu’on puisse s’étendre ailleurs que sur les terrains limitrophes de l’arsenal. Les projets qu’on étudie seront-ils au niveau des futures destinées de la marine de la Méditerranée ? Les vues de l’administration actuelle devanceront-elles, comme autrefois celles de Colbert, les besoins d’une ère nouvelle ? Il est permis de l’attendre de la maturité des délibérations des conseils de la marine ; déjà ils ont adopté deux projets pour l’agrandissement de l’arsenal et se sont arrêtés à temps dans l’exécution, reconnaissant dès les premiers pas l’insuffisance ou l’imperfection des conceptions qu’on avait d’abord admirées.

Il semble que la première question à résoudre dans de si graves débats est celle de savoir si nous devons ajouter une nouvelle marine à la marine actuelle, conservée dans ses splendides dimensions, ou si celle-ci doit éprouver une transformation complète ou partielle.

Il fut un temps où les galères constituaient presque exclusivement la marine militaire ; ce système d’armement s’est effacé devant les progrès de la construction des bâtimens ronds et surtout devant la supériorité de leur artillerie. Un pays qui se serait obstiné à maintenir ses galères au XVIIIe siècle aurait abdiqué toute sa puissance maritime. L’introduction de l’action de la vapeur dans la navigation serait-elle un fait moins considérable, et la création d’une nouvelle tactique navale n’en est-elle pas la conséquence forcée ? Celui de nos vice-amiraux qui a le plus d’avenir est heureusement celui qui a le plus de prévoyance, et il a jeté de vives lumières sur cette question. Il est permis de considérer après lui un très petit nombre de faits qui sont à la portée de tout le monde : c’est presque toujours à ceux-là que finit par appartenir l’influence prédominante.

Un bateau à vapeur de 450 chevaux est en rade de Toulon ; sa machine est chauffée ; douze cents hommes d’infanterie attendent, le sac sur le dos, sur les quais de l’arsenal ; en moins de trois heures, ils sont installés à bord, et, si le bâtiment accostait facilement le quai, l’embarquement ne durerait pas beaucoup plus qu’une rentrée à la caserne. Soixante heures après, deux bataillons sont sur la côte d’Afrique. Ce qui est vrai d’un bateau et d’un voyage l’est de dix, l’est de vingt. Une flotte à la voile peut-elle arrêter ces troupes de débarquement marchant à la vapeur ? Non. Quelle que soit sa force, les bateaux à vapeur atteindront sans combat, sans difficulté, le but qui leur est assigné, et, après avoir déposé leur chargement, ils reviendront au point de