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pour une dupe, il ne l’était assurément pas moins, lui qui, perdant à entendre des Te Deum et à recevoir des coups d’encensoir les quarante-huit heures dont dépendait le sort de Toulon, risquait cette conquête pour le plaisir de faire celle de M. l’abbé de Fleury. En retenant le prince par des cajoleries qui n’avaient, il est vrai, rien de fort digne, l’évêque contribua par le fait au succès de nos armes, et ce fut probablement ce qui le raccommoda plus tard avec le roi. D’après sa conduite ultérieure à la tête des affaires, il est présumable qu’en 1707 il savait fort bien le tort que son hospitalité faisait au duc de Savoie, et s’arrangeait de manière à ce que celui-ci se crût son obligé s’il réussissait : pour un prélat qui ne se savait pas encore destiné à devenir ministre, ce n’était pas trop mal manœuvrer.

Le parti qu’avait tiré l’assiégeant des hauteurs de la Malgue détermina la construction du fort qui les occupe aujourd’hui. On mit la main à l’œuvre en 1708, mais bientôt après abandonnés, repris en 1745, abandonnés de nouveau, les travaux n’ont été terminés qu’en 1764. Les ingénieurs ne considèrent point le fort de la Malgue comme un ouvrage parfait ; ils lui reprochent surtout d’être commandé du côté de l’est par un plateau qu’il est question d’abaisser. Pendant les préparatifs de la campagne de 1746, le maréchal de Belle-Isle couvrit le nord de la place et en augmenta beaucoup la force par l’établissement du camp retranché de Sainte-Anne. On se crut, à cette époque ; à la veille d’un nouveau siège ; mais les Autrichiens ne dépassèrent pas le Luc. Cette position est très forte ; ils la gardèrent plusieurs mois, menaçant à la fois Toulon, Aix et Marseille. Le général Sébastiani, qui, pendant son commandement de la 8e division militaire, a fait une étude approfondie des ressources défensives du pays, passe pour avoir particulièrement signalé les avantages stratégiques de cette position et les mesures à prendre pour en assurer la possession à nos armées.

La Provence est un pays où l’on ne sait prendre avec calme aucun événement, et où les impressions sont aussi mobiles qu’impétueuses ;