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le nom de Gorges d’Ollioule, et y dispute au torrent l’étroit passage que sent entre eux des escarpemens à pic. A Ollioule, elle débouche dans la plaine et se met à côtoyer le pied de la montagne ; la rade Toulon se déploie sur la droite, entre les coteaux verdoyans au-dessus desquels s’élève le cap Sicié, et la haute mer se montre par échappées. C’est ici le commencement de cette zone fortunée qui, abritée nord par la chaîne de l’Estrelle, baignée dans ses profondes dentelures par les flots de la Méditerranée, s’étend jusqu’à la vallée du Var. Plusieurs années se passent quelquefois sans que la terre y ressente les rigueurs de l’hiver ; l’olivier garnit les moindres creux de ses rochers ; les cactus et les palmiers de l’Afrique se sentent à peine dépaysés à côté des orangers de ses jardins. La mer n’est pas, sur cette lisière, moins propice au marin que la terre au cultivateur, et de Toulon au Var s’ouvre une succession de rades dont la moindre est préférable à la meilleure qu’offre, d’Alexandrie à Ceuta, la côte d’Afrique tout entière.

Que Toulon ait été fondé par Telo Martius ou par tout autre Romain, il ne paraît pas que les anciens aient soupçonné l’importance moderne de cette position. De petits ports suffisaient à de petits navires, dont la plupart pouvaient se tirer à terre. Il fallait la grandeur de nos constructions navales pour donner aux abris qui les reçoivent tout leur prix, et la véritable histoire des ports de guerre actuels ne commence pas avant l’organisation des marines militaires permanentes.

Le dépôt de la marine possède une collection de plans du port et de la rade de Toulon qui remonte au temps des Valois. Malheureusement les plus anciens ne sont pas datés, et l’ordre chronologique dans lequel on a pu les ranger laisse subsister quelque incertitude sur l’époque précise à laquelle chacun se rapporte. Le premier de ceux-ci n’est pas antérieur au règne de François Ier, puisque la Grosse-Tour fondée par Louis XII y est portée. Achevée sous le règne suivant, cette tour a le cachet de l’architecture militaire du temps, et semble sortie des mêmes mains que celle du Hâvre. Le nom de la ville est écrit sur ce plan THOLLON. Le port n’est point fermé ; un quai en ligne droite, évidemment compris dans celui d’aujourd’hui, constitue tout l’établissement maritime. Sur cette ligne prise pour base, la ville forme un rectangle imparfait de sept hectares à peine ; elle est enveloppée d’une muraille et d’un fossé dont l’emplacement se reconnaît dans la courbure du cours actuel. Tel était le Toulon qui fut pris en 1524 par le connétable de Bourbon, et en 1536 par Charles-Quint lui-même.

En continuant la lutte de François Ier contre la maison d’Autriche, Henri IV comprit que Toulon était le pivot de la défense de la Provence et le foyer de notre influence militaire dans la Méditerranée. Il fit faire la darse vieille d’aujourd’hui, dont l’étendue est de quinze hectares ; le grand quai s’allongea sur une ligne droite de 650 mètres ; l’étendue de