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la cour de Portugal a insisté pour que la France y fût comprise, elle préfère l’action combinée des trois gouvernemens d’Espagne, de France et d’Angleterre au protectorat exclusif de cette dernière. Les propositions et les conseils des trois puissances à la reine dona Maria ont porté sur quatre points : les trois cours l’ont sérieusement engagée à proclamer une amnistie, à rétablir la charte, à convoquer les cortès, à nommer un ministère mixte qui donnerait des garanties et des situations aux principaux personnages parmi les insurgés. Dans le cas où la reine dona Maria n’adopterait pas cette ligne de conduite, les trois puissances aviseraient elles-mêmes à rétablir l’ordre en Portugal. Il s’agit, on le voit, d’une transaction qui serait tout-à-fait honorable et satisfaisante pour ceux qui ont suivi la bannière de la junte de Porto. Dès l’origine de la lutte, la reine dona Maria s’est complètement méprise sur la nature du mouvement et de l’insurrection, qui eut bientôt compté dans ses rangs presque toute l’aristocratie ; la reine est passionnée, exclusive, et dès qu’on ne partage pas ses idées, ses illusions, on lui devient suspect. Il y a plus de modération et de prudence dans le caractère du roi. Dans ces derniers temps, il a bien fallu se rendre à l’évidence. La rive gauche du Tage a été envahie par les insurgés sous les ordres du comte de Mello ; ils sont entrés à Sétubal ; ils ont occupé Azeitoun et Palmella. En présence de ces dangers, le gouvernement portugais s’est adressé aux légations d’Angleterre, d’Espagne et de France, pour leur demander de concourir avec lui à maintenir la tranquillité dans Lisbonne ; il a rappelé une partie des troupes qui se trouvaient dans l’Alemtejo, il a fait venir un millier d’hommes qu’il a distraits de l’armée de Saldanha, et il a réussi à réunir ainsi un corps de trois à quatre mille hommes sous les ordres du comte Vinhaes. De son côté, le gouvernement espagnol a pris les mesures nécessaires pour former sans retard un corps de douze mille hommes de toutes armes qui doit s’établir non loin d’Alcantara. Cette démonstration n’est pas moins dans ses intérêts que dans celui du Portugal, car elle paralysera les miguélistes qui pourraient chercher à faire cause commune avec certains partisans du comte de Montemolin. A Madrid, le ministère de M. Pacheco semble tenu, non pas en équilibre, mais en échec, en raison des deux élémens qui le composent. Où cherchera-t-il son point d’appui ? Auprès des progressistes ? auprès des modérés ? Avec un esprit de conciliation habile et patiente, ces derniers pourraient exercer sur le cabinet une grande influence ; ils forment au sein des cortès une fraction considérable, et ils commettraient une grande faute en rejetant, par leur attitude, le ministère dans les bras des progressistes. En acceptant le poste d’ambassadeur à Paris, le général Narvaez n’indique-t-il pas au parti modéré la conduite à tenir envers le cabinet de M. Pacheco ? Puisque nous parlons d’ambassade, disons en passant qu’il n’a jamais été question d’envoyer à Madrid M. de Bois-Lecomte, qui vient à peine de s’installer auprès de la confédération suisse. Il est une autre nomination diplomatique qui heureusement est certaine, c’est celle de M. le duc de Broglie à l’ambassade de Londres. M. de Broglie accepte l’honneur et la tâche, aujourd’hui fort difficiles, de représenter la France à la cour de Saint-James : il se rendra à Londres vers la fin de juin. A la même époque, M. de Sainte-Aulaire y retournera pour prendre officiellement congé et installer son successeur. M. de Broglie est partisan déclaré de l’alliance anglaise ; il a terminé, il y a deux ans, les difficultés relatives au droit de visite. D’un autre côté, on ne saurait le soupçonner de complaisance