Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/562

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’assemblée avait besoin d’un moyen terme entre ces deux extrêmes, et de le lui offrir. Il a proposé à la diète un amendement énonçant d’une manière générale que les états entendaient maintenir tous les droits reconnus par les déclarations législatives de 1815, 1820, 1823. Au fond, c’était l’essentiel. Par là était sauvé le principe de la préexistence des droits de la nation aux lettres patentes du 3 février.

Dans les premiers momens, le roi paraît avoir conçu un assez vif déplaisir d’une pareille rédaction, si modérée qu’elle soit. Peut-être eût-il laissé trop percer ce mécontentement dans sa réponse sans l’influence du prince de Prusse, qui, siégeant dans la diète, a pu se porter garant auprès du roi des véritables sentimens de l’assemblée pour sa personne et sa couronne. La réflexion et de sages conseils ont fait comprendre à Frédéric-Guillaume que l’assemblée avait un égal respect pour les droits du trône et ceux du pays, et qu’il serait souverainement impolitique de paraître plus mécontent des réserves faites au profit de la nation que sensible aux témoignages que donnait la diète de sa reconnaissance et de son dévouement pour la royauté. Aussi a-t-il fait aux états une réponse modérée et bienveillante. Il s’est dit touché des sentimens que lui exprimait l’adresse, il a insisté sur l’union de la couronne et des états. Il a promis de les convoquer de nouveau avant quatre ans. Il a maintenu, sans toutefois traiter de factieuse la thèse contraire, qu’à ses yeux les statuts du 3 février étaient la source de tous les droits de la diète, et en même temps il a ajouté que ces statuts n’étaient point clos, mais qu’au contraire ils étaient susceptibles de perfectionnement. Dans la réponse du roi, il est question à deux reprises des formes constitutionnelles. Enfin, ce qui est constitutionnel au plus haut degré, c’est que cette réponse est signée de tous les ministres. Il a suffi de quelques jours pour qu’on reconnût la nécessité de placer entre le trône et l’assemblée des intermédiaires responsables. Voilà un progrès qui ne s’est point fait attendre. Il est des plus heureux. La royauté en Prusse ne saurait trop méditer sur le danger d’être en contact direct, soit avec les populations, soit avec les corps qui les représentent à divers titres : municipalités, états provinciaux, diète générale. C’est seulement par la présence d’agens responsables entre le roi et le peuple que ce dernier est libre et le premier vraiment respecté. Au reste, il résulte clairement de l’attitude réciproque de la couronne et de la diète prussiennes que l’une et l’autre veulent au même degré vivre ensemble en bonne intelligence. Toutes les deux semblent comprendre qu’elles trahiraient leurs véritables intérêts et leurs devoirs envers l’Allemagne, si par leur faute elles amenaient une désunion dont les conséquences seraient incalculables. Il y a là une vue de bon sens qui peut être un guide plus sûr que le fanatisme monarchique ou l’exaltation libérale.

Voilà pour le caractère allemand une grande épreuve, dont nous souhaitons vivement qu’il se tire avec honneur. La France, qui à la fin du dernier siècle a ouvert pour les peuples du continent la carrière de la liberté avec un éclat que le monde n’oubliera jamais, suit avec le plus sympathique intérêt les efforts des autres nations pour conquérir le régime constitutionnel. Personne ne met en doute la sincérité de ses sentimens. Ainsi nous voyons sur un autre point de l’Europe la médiation bienveillante de la France recherchée par le Portugal, dont le gouvernement semble enfin vouloir mettre un terme à l’anarchie qui désole ce royaume. L’Angleterre était d’abord disposée à considérer le traité de la quadruple alliance comme n’ayant plus de valeur : elle avait demandé un nouvel arrangement d’où la France se serait trouvée exclue par voie de prétérition ; mais