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laume IV ! Le roi institue, ouvre en personne une diète générale, et il dit aux députés qu’il ne les eût pas convoqués, s’il eût pensé qu’ils eussent pu songer à jouer le rôle de représentans du peuple ; il réunit une assemblée délibérante, et il lui déclare qu’il ne reconnaîtra jamais la volonté des majorités. Enfin il harangue longuement les états germaniques dans le principal dessein de leur inculquer cette idée, que leur mission n’est pas de représenter les opinions de l’esprit moderne. Tel est l’ultimatum de l’école historique signifié du haut du trône.

Il est certain, comme on l’a dit, que le roi Frédéric-Guillaume n’avait communiqué son discours à personne. À coup sûr, si les ministres eussent connu d’avance les paroles qu’il se proposait de prononcer, ils eussent, même les plus dévoués ou les plus engoués de l’esprit historique, présenté au roi de respectueuses observations. Ils lui eussent montré le danger d’instituer des controverses sur l’origine et la nature du pouvoir, et de parler plutôt en théoricien, en docteur appartenant à une école, qu’en homme politique, en roi. Ils lui eussent aussi conseillé de ne pas attaquer la presse. Est-ce le rôle d’un prince de déclarer la guerre à des écrivains ? Mais Frédéric-Guillaume avait fait un mystère à tout le monde, même à sa famille, même au prince de Prusse, de ce qu’il voulait dire à la diète générale ; il paraît que jusqu’au dernier moment il ne savait pas lui-même s’il lirait son discours, ou le débiterait de mémoire, comme une improvisation. C’est à ce parti qu’il s’est arrêté ; seulement il avait ordonné à un général, auquel il avait remis une copie de sa harangue au moment même de l’ouverture de la séance, de se tenir debout derrière lui pour secourir sa mémoire troublée, dans le cas où elle viendrait à lui faire défaut. La précaution s’est trouvée inutile : le roi a prononcé son discours tout d’une haleine, sans le secours du souffleur. Frédéric-Guillaume IV a une très grande confiance en lui-même : il croit qu’il a tout à gagner en se montrant tel qu’il est, en divulguant sans réserve ses sentimens et ses pensées. Il est clair qu’il comptait produire par sa parole, par son accentuation, par son geste, un effet puissant.

Cette attente a été trompée. Pendant qu’il parlait, tous les assistans, princes, seigneurs, ministres, députés, se regardaient avec un étonnement douloureux chez les uns, amer chez les autres. Les propositions étranges qui tombaient successivement de la bouche royale, les agressions contre la presse, le mépris affiché de l’esprit du siècle, la négation de l’idée et du droit d’une représentation nationale devant les représentans de la nation, tout cela déroutait les esprits en les remplissant d’aigreur et presque de colère. Le roi dut s’apercevoir lui-même, des impressions de l’assemblée, car elle ne l’interrompit par aucun applaudissement, et il put comparer cette première séance du 11 avril 1847 avec le 10 septembre 1840, jour qu’il a rappelé lui-même dans son discours, et où il reçut à Koenigsberg le serment de fidélité de ses provinces héréditaires au milieu d’un tonnerre d’acclamations.

Cependant les choses se sont mieux passées qu’on ne devait l’espérer d’après ce début malheureux. La diète a su se montrer à la fois reconnaissante de ce qu’avait fait le roi et ferme dans le maintien des droits du pays, qu’elle a déclaré préexister aux lettres patentes du 3 février. Elle se trouvait entre le projet d’adresse préparé par sa commission, qui contredisait de la manière la plus formelle les théories royales, et un amendement de M. d’Arnim qui supprimait ; dans la réponse à la couronne, toute revendication des droits du pays. Un député de l’ordre équestre, M. d’Auerswald, a eu le mérite de comprendre que