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placé à ses pieds, car l’exécution est à la hauteur de la pensée. Le torse et les membres sont empreints d’une mollesse difficile à expliquer. Il existe une statue antique, bien connue de tous les élèves de l’académie, qui s’appelle le Discobole. Dans cette statue, le mouvement est en harmonie parfaite avec l’action que le sculpteur a voulu exprimer. M. Lemaire, par un étrange caprice, semble s’être proposé de donner à sa figure un mouvement qui ne permette pas de deviner ce qu’elle va faire. Si telle a été sa pensée, s’il a voulu exciter la curiosité, et en même temps dérouter l’intelligence du spectateur, je dois convenir qu’il a réussi. Pourtant j’aimerais mieux qu’il se fût humblement soumis aux vieilles traditions de l’école, et que le mouvement expliquât l’action. Un homme qui se prépare à lancer le disque devrait, selon moi, et le statuaire antique est de mon avis, montrer dans les muscles de la poitrine et des bras l’énergie nécessaire à l’accomplissement de sa volonté. M. Lemaire ne partage pas cette opinion, et il l’a bien prouvé. Son Archidamas semble à peine capable, je ne dis pas de lancer, mais de soulever seulement le disque placé entre les doigts de sa main droite. De pareils jeux ne sont pas faits pour un homme ainsi construit. Les phalanges de cette main ne peuvent rien étreindre et ne sauraient lancer le disque à dix pas.

Dans le buste d’Apollodore Callet, M. Lemaire a pris une revanche éclatante, et, si quelque chose pouvait effacer le souvenir d’une figure telle que l’Archidamas, le buste d’Apollodore Callet obtiendrait grace pour cette faute. Il y a dans ce portrait une remarquable élégance que l’Archidamas ne permettait pas d’espérer. Les yeux et la bouche sont pleins de vie ; les cheveux ont de la légèreté. Quoiqu’on puisse reprocher au front et aux joues une simplicité un peu exagérée, c’est à tout prendre un bon portrait, et nous désirons que M. Lemaire, au lieu de se fourvoyer dans des sujets antiques, s’attache à reproduire la réalité qu’il a sous les yeux. Le buste d’Apollodore Callet est à coup sûr un des meilleurs du Salon.

M. Petitot a voulu traiter en marbre un de ces sujets si familiers au pinceau de M. Schnetz. Un pauvre Pèlerin calabrais et son fils accablés de fatigue se recommandant à la Vierge, telle est la donnée choisie par M. Petitot. Il y avait là peut-être de quoi faire un bas-relief, mais je doute fort qu’il y ait de quoi composer un groupe colossal. Il n’eût pas été inutile de montrer la madone à qui s’adressent les prières des deux pèlerins, et le bas-relief se prêtait facilement à cette exigence. Si pourtant l’auteur tenait à traiter le sujet en ronde-bosse, il devait au moins respecter la vérité locale ; or, c’est ce qu’il n’a pas fait. Toutes les fois que M. Schnetz a traduit sur la toile une scène de la vie italienne, sans donner à sa composition la grandeur épique des Moissonneurs, dont Léopold Robert semble avoir emporté le secret, il a respecté fidèlement le costume