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signerai jamais la cession de la Navarre ; je craindrais trop de devenir un objet d’exécration pour tous mes compatriotes. » Cependant il admit la possibilité d’un échange des provinces situées sur la rive gauche de l’Èbre contre le Portugal ; mais, dans cette hypothèse, les provinces du nord seraient érigées en royaume d’Ibérie, ou simplement en vice-royauté ibérienne, et données, soit au roi d’Étrurie, soit à un infant d’Espagne. Une disposition spéciale garantirait aux habitans de ces contrées la conservation de tous leurs privilèges et franchises.

Enfin, relativement à l’alliance, M. Isquierdo déclara que son gouvernement refusait de contracter des liens qui l’assimileraient aux membres de la confédération germanique. « L’Espagne, dit-il, sera toujours pour la France une alliée fidèle ; mais elle entend conserver une indépendance complète. »

Avant de lever cette importante conférence M. de Talleyrand signifia à M. Isquierdo que la détermination prise par l’empereur était irrévocable, et il insista pour que la cour de Madrid envoyât sa réponse dans le plus bref délai possible. Lorsque le courrier porteur des dépêches de M. Isquierdo arriva à Madrid, il ne trouva plus le roi Charles IV sur son trône, ni Godoy à la tête du gouvernement. Une révolution les avait renversés l’un et l’autre, et avait mis le sceptre entre les mains du prince des Asturies.

Dans les premiers jours de mars, un nouveau corps d’armée plus considérable que tous les autres, — il était de 35,000 hommes, — avait pénétré en Espagne sous les ordres du maréchal Bessières, et s’était dirigé sur Vittoria. La présence de ce corps portait à plus de 100,000 hommes la totalité des troupes françaises qui avaient passé les Pyrénées. Napoléon, pour ne point éveiller les soupçons du gouvernement espagnol, avait eu soin de tenir ces corps d’armée séparés sous leurs chefs respectifs ; mais, maintenant qu’ils formaient une masse assez puissante pour faire face à toutes les éventualités, il résolut de les relier en faisceau sous le commandement d’un généralissime. C’est à son beau-frère, le grand-duc de Berg, qu’il confia ce poste difficile. Ce choix a été une grande faute. Dans l’état d’excitation où étaient les esprits en Espagne, il fallait s’attendre aux plus graves événemens. Tout annonçait une de ces explosions terribles qui annoncent le réveil des peuples. Au milieu de telles circonstances, il aurait fallu à la tête de l’armée française un homme d’un tact sûr et d’une prudence consommée. Murat n’était point cet homme. Brillant et incomparable dans un jour de bataille, alors qu’il fallait enlever ses escadrons et enfoncer les lignes ennemies, il ne convenait plus dans une situation où il fallait une extrême dextérité. Le grand-duc de Berg arriva le 13 mars à Burgos, prit sur-le-champ en main les rênes de l’armée, et, sans perdre un seul jour, s’avança sur Madrid.

La terreur et la rage étaient à leur comble dans les conseils du roi,