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avait laissé les portes de la citadelle dégarnies, et les ponts-levis étaient baissés. Au moment où le général Lecchi parcourait silencieusement ses lignes d’infanterie, deux compagnies se détachent soudainement et s’élancent sur le premier pont-levis. A cette vue, les soldats espagnols veulent lever le tablier ; mais le général Lecchi arrive lui-même au galop, suivi de tout son état-major ; il crie de toute la force de sa voix qu’on laisse le pont baissé, qu’il veut aller saluer le commandant de la citadelle et s’expliquer avec lui. Le poste espagnol, surpris, intimidé, se laisse envelopper ; nos bataillons s’approchent, le pont-levis est franchi, et le gouverneur est forcé de nous livrer les clés de la citadelle.

Il restait à nous emparer du fort Montjoui, qui est bâti sur le sommet d’un rocher d’où il domine le port et la ville. Le général comte d’Ezpeletta de Veyre, capitaine-général de la Catalogne, s’y était enfermé avec une garnison suffisante pour le défendre. La facilité de s’approvisionner de toutes choses par mer lui donnait les moyens de prolonger indéfiniment sa résistance ; mais le comte d’Ezpeletta était, comme le commandant de Figuières, un vieillard timide. Sommé une première fois de livrer son fort, il avait refusé ; alors Duhesme l’avait menacé de toute la colère de l’empereur. La crainte de provoquer une rupture entre son pays et la France frappa de vertige le vieillard, et il nous ouvrit les portes de Montjoui.

Saint-Sébastien eut le même sort que Pampelune et Barcelone, et ce fut de même la ruse qui nous en rendit maîtres. Le général Thouvenot se présenta devant cette place avec un tout petit nombre d’hommes, et sollicita la faveur d’y passer quelques jours. « Il ne comptait, dit-il, s’y arrêter que le temps indispensable pour recueillir les soldats isolés et les traînards. » Ces soldats arrivèrent successivement par détachemens, très faibles d’abord, et bientôt après si nombreux, que la garnison espagnole ne fut plus auprès d’eux qu’une poignée d’hommes. Le gouverneur de la place comprit trop tard qu’il avait été joué ; il subit ce qu’il ne pouvait plus empêcher, et remit au général Thouvenot le commandement de la place.

Ainsi, vers la fin de février, la France occupait les places de Pampelune, de Figuières, de Barcelone et de Saint-Sébastien : elle couvrait de ses armées la Navarre, la Catalogne et la Biscaye ; elle était maîtresse de toutes les grandes lignes qui conduisent à Madrid et à Valence. Sa position était déjà formidable. De la possession militaire des provinces du nord à la possession politique, il n’y avait plus qu’un pas.

L’entrée du deuxième corps et sa marche sur Valladolid n’avaient ni surpris ni inquiété la cour de Madrid. Elle s’était expliqué ce mouvement par la nécessité de soutenir l’armée un peu aventurée de Junot ; mais, quand elle sut que le corps d’armée du maréchal Moncey et puis celui du général Duhesme avaient aussi franchi les Pyrénées,