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considérable destinée à occuper et à défendre tous les points menacés de la Péninsule.

Les places fortes qui sont comprises entre les Pyrénées et l’Ebre, bien qu’inégales en importance, se tiennent toutes et forment, dans leur ensemble, un réseau formidable. Les principales sont, en Catalogne, Figuières, Gironne et Barcelone ; en Navarre, Pampelune ; dans la Biscaye et le Guipuzcoa, Saint-Sébastien et Bilbao. Toutes ces places se recommandent par l’excellence de leur situation militaire et forment le boulevard du royaume du côté de la France. La grande route qui conduit de Bayonne sur l’Èbre passe sous le canon de Saint-Sébastien. Pampelune défend la route qui d’Irun mène à Madrid par Tudela. Sur les versans méditerranéens des montagnes de la Catalogne, Figuières, Gironne et Barcelone couvrent Valence et Sarragosse. La possession de toutes ces places nous était indispensable pour assurer nos lignes de communication, ainsi que la sécurité de nos approvisionnemens. La Sicile, Malte et Gibraltar regorgeaient en ce moment de troupes anglaises. Qui pouvait nous garantir que, désespérée de se voir envahie et subjuguée, l’Espagne ne se jetterait point dans les bras de l’Angleterre et ne lui livrerait pas du même coup les clés de ses principales ; places maritimes ? Barcelone surtout, qui a une population de près de cent mille ames, un port magnifique, et qui est défendue par deux citadelles presque imprenables, Barcelone avait une importance militaire incalculable. Cette formidable place, occupée et défendue par une armée anglaise, incessamment approvisionnée, par les escadres de cette nation, de subsistances, d’armes et de munitions, mettrait hors de nos atteintes la Murcie et l’Andalousie, c’est-à-dire tout le littoral méditerranéen, et rendrait impossible l’exécution du système continental dans les ports de la Péninsule. Nous ne pouvions donc pas laisser une telle ville entre des mains douteuses.

Toutes ces considérations réunies déterminèrent l’empereur à prendre un grand parti. Avant la bataille d’Iéna, l’Espagne, le croyant compromis, a voulu l’abandonner, s’unir à ses ennemis pour l’accabler. Aujourd’hui il se venge, il la trompe à son tour ; il se dit que la loyauté n’est due qu’aux ames sincères et loyales, et qu’envers les amis faux et perfides la ruse et la fourberie sont des armes légitimes. Le prince de la Paix n’est plus qu’un instrument usé et inutile ; il le sacrifie. Il sacrifie de même le jeune roi d’Étrurie. Au traité de Fontainebleau il substitue une combinaison nouvelle dont l’effet sera de lui asservir l’Espagne d’une manière bien plus sûre, bien plus efficace que n’aurait pu le faire le dévouement forcé du prince de la Paix ou du prince des Asturies. Il incorporera à son empire les provinces comprises entre les Pyrénées et l’Ebre, et il indemnisera l’Espagne en lui donnant tout le Portugal. Comme elle aura un intérêt immense à défendre et à conserver