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trône ; elle le poursuivait de ses malédictions. Stimulé par la reine, retenu par la crainte de s’aliéner l’empereur, n’ayant pas assez d’audace pour pousser jusqu’au bout sa fortune, le prince de la Paix ne savait plus comment sortir de la lutte à outrance qu’il avait engagée avec tant de légèreté contre le prince des Asturies. Après de grandes irrésolutions, il sentit que le plus sage encore était d’étouffer un procès qui ne pouvait tourner qu’à la honte de ses maîtres et à sa ruine personnelle. Il conseilla l’indulgence ; mais, haineux jusque dans sa clémence, il exigea du prince des Asturies qu’il ferait à ses parens un aveu éclatant de ses fautes. Le pardon à de telles conditions était une flétrissure ; c’était lui demander de s’avilir aux yeux des peuples qu’il était appelé à gouverner un jour. Ferdinand consentit à tout, et poussa l’humilité jusqu’à jurer amitié et dévouement, au prince de la Paix. Il écrivit à son père et à sa mère pour implorer leur pardon. Voici sa lettre au roi :


« SIRE,

« J’ai failli, j’ai manqué à votre majesté en sa qualité de roi et de père ; mais je me repens, et j’offre à votre majesté l’obéissance la plus humble. Je ne devais rien faire à l’insu de votre majesté ; mais ma religion a été surprise. J’ai dénoncé les coupables. Je demande à votre majesté qu’elle me pardonne de ne pas lui avoir dit la vérité l’autre nuit, et qu’elle me permette de baiser ses pieds royaux.

« Son fils reconnaissant,

« FERDINAND. »

« San Lorenzo, 5 novembre 1807. »


Il était impossible d’abaisser plus bas le front qui devait porter un jour la couronne des Espagnes. Ferdinand recouvra sa liberté, mais au prix de son honneur. La nation espagnole était tellement prévenue en faveur du jeune prince, qu’elle se montra pleine d’indulgence pour des lâchetés qui l’eussent révoltée en tout autre : elle aima mieux accuser la dureté de sa mère et les machinations du favori. Tout ce que l’Europe renfermait d’esprits élevés et délicats fut indigné contre Ferdinand. Napoléon, à qui rien n’échappait, ni les nobles qualités, ni les vices, qui aimait à rencontrer les premières jusque dans ses ennemis, et qui savait exploiter les autres avec une effrayante habileté, Napoléon sut à quel homme devait échoir un jour le trône d’Espagne, et cette soudaine révélation n’influa que trop sur ses déterminations ultérieures.

Le roi, docile à signer le pardon de son fils, comme il l’avait été à l’accuser, fit savoir à ses peuples qu’il lui avait rendu son affection et sa confiance. N’osant pas frapper le prince des Asturies, la reine et le favori tournèrent leur rage contre ses complices. Ils les livrèrent à une commission composée de magistrats tirés des tribunaux de Castille. Le