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d’une manière bien sensible, et n’en changerait pas la valeur vénale, si ce n’est après un certain délai.[1]. La civilisation ensuite est dans une veine de paix dont il faut croire que le verbiage insensé de passions rétrogrades réduites aux abois ne la fera pas sortir. A la faveur de la paix, l’aisance et la culture gagnent parmi les populations ; un peu d’élégance et de luxe s’introduisent dans tous les rangs de la société. Voilà de quoi assurer à une production de l’or plus considérable que celle du jour un placement facile, sans que les extracteurs aient à se préoccuper de la baisse de la valeur vénale de l’or. Avant que dans notre Europe chaque personne, homme ou femme, ait sa montre en or, une bague en or ou une croix d’or, la Sibérie a de la marge. Or, avec l’aide de la paix, pourquoi n’en viendrions-nous pas là tout comme à la poule au pot du bon roi Henri IV ?

Il ne faut pas s’attendre non plus à ce que l’or éprouve une baisse de valeur comparable à celle qu’on petit prévoir à l’égard de l’argent pour une époque encore incertaine, à moins de la découverte de quelque Eldorado, où les conditions de l’exploitation seraient complètement changées. L’extraction de ce métal ne se prête pas à des perfectionnemens aussi étendus à beaucoup près que l’industrie argentière, qui, dans les centres principaux de production, ceux de l’Amérique, est barbare. De ce point de vue, l’Angleterre, dont le numéraire métallique est en or, n’est pas exposée à la même perte que la France, dont la monnaie réelle est uniquement en argent.


IV. – PRODUCTION DE L'ARGENT EN ESPAGNE.

Dans l’ancien continent, la Russie n’est pas tout-à-fait le seul état qui ait agrandi sa production de métaux précieux. C’est un progrès qui est presque général parmi ceux des états européens qui comptent sous ce rapport. Les succès qu’en ce genre a obtenus la Russie sont éclatans, incomparables. Cependant on va voir que quelques autres nations ont fait aussi des pas dignes d’être cités. Au commencement du siècle, l’Europe, sans compter la Russie, que nous prenons ici dans son ensemble, tant à l’est de l’Oural qu’à l’ouest, donnait en métal fin 1,300 kilogrammes d’or et 52,670 kilogrammes d’argent. En 1835, c’était encore à peu près la même quantité d’or, mais il y avait un produit en argent d’environ 15,000 kilogrammes de plus. La production de l’or et de l’argent en Europe était, en 1835, comme au commencement du siècle, concentrée dans l’Allemagne et le bas de la vallée

  1. Ainsi, il y a vingt-cinq ans, lorsque l’Angleterre a attiré à elle pour fabriquer de la monnaie en or, afin de remplacer les billets de banque qui seuls avaient eu cours depuis 1797, une somme de plus d’un milliard, représentant au moins 300,000 kilogrammes d’or fin, le prix de l’or n’en a pas été sensiblement altéré dans le commerce