politique. C’est là, non la comédie, mais le drame des quinze ans. Il ne manqua ni de sérieux, ni de vivacité, ni d’attrait. Acteurs et spectateurs, il instruisit tout le monde. Quand se sont formés, si ce n’est alors, les plus grands esprits qui nous restent ? D’où nous vient le sel de la terre et la lumière du monde ? Si jamais on a pu abonder dans le sens de cet optimisme historique qui tient tous les événemens pour des nécessités et des progrès, c’est en voyant la chute de la France, la victoire de l’étranger, le triomphe du parti de l’absolu pouvoir, inaugurer une période d’affranchissement, de dignité, de conquête pour l’esprit humain. La charte de 1814, qu’on l’attribue à la prudence, à la faiblesse ou à la générosité, est un des accidens les plus heureux dont parlera l’histoire. La restauration a fait mieux qu’elle n’a voulu. Selon ce que dit l’Écriture, elle a recueilli ce qu’elle n’avait pas semé. Comme toutes les puissances destinées à périr, ce qui devait honorer son souvenir est ce qui l’a perdue ; elle n’a pu souffrir l’institution qui faisait son salut et sa gloire, et elle s’est précipitée dans les flots du haut de la digue qu’elle avait élevée pour s’en défendre.
D’autres résumeront la grande controverse dont je rappelle le souvenir. Bornons-nous à dire que l’esprit de l’ensemble fut profondément libéral. Il y eut alors comme un effort général de mettre d’accord la science humaine et la révolution française, sans que l’une y perdît son universalité, l’autre sa nationalité ; on voulut que celle-ci, dans tout ce qu’elle eut de nécessaire, c’est-à-dire de primitif et de définitif, fût démontrée conforme aux principes de celle-là, et qu’en somme le fait eût raison. Au moment où les révolutions vont éclater, au sein des orages de l’action, la science est nécessairement partiale, se faisant d’ordinaire agressive ; mais, lorsque le but principal est atteint, tout se modère et se rectifie, et la science, revenant à son impartialité naturelle, rétablit toutes les vérités défigurées ou sacrifiées par la brutalité des événemens. La science donc, ou la réflexion désintéressée, s’est, au temps de la restauration, proposé non pas de devenir neutre et indifférente, mais de poursuivre un but en restant équitable. Elle a fait une tentative assez singulière, celle d’être à la fois dévouée à une cause et à la vérité. Jamais l’esprit philosophique n’avait, avec une conscience aussi claire de son dessein, entrepris de consommer l’alliance du fait et du droit, de l’action et de l’idée, de l’abstraction et de la réalité ; jamais il n’avait ambitionné à ce point de réunir tous les caractères d’un pouvoir ensemble spirituel et temporel. A lui désormais les deux glaives, à lui les deux couronnes. Il rend la pareille à l’esprit du moyen-âge ; il aspire aussi à la domination universelle.
A-t-il réussi ? Est-il vrai qu’il ait obtenu un double succès ? A-t-il su en même temps expliquer un grand événement historique et en légitimer les résultats, démontrer et fonder des institutions, donner le mot