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consentait à supprimer le décime rural et à réduire à 2 pour 100 le droit établi sur les articles d’argent. La perte à supporter par le trésor, comparativement au revenu de 1845, devait être de 11,398,000 fr. dans ce malencontreux système.

La commission de la chambre, trompée comme le gouvernement lui-même par des renseignemens qui représentaient sous un faux jour les effets de la taxe uniforme en Angleterre, adopta la combinaison proposée par M. le ministre des finances. Elle se contenta d’étendre la zone dans laquelle devait régner la taxe de 40 centimes jusqu’à 400 kilomètres, et de substituer dans le rayon de 20 kilomètres la taxe de 15 centimes à celle de 10 ; mais, à la publication du rapport, le mécontentement fut tellement prononcé et la clameur si haute, que le ministère n’osa pas affronter la discussion. Le projet de loi fut retiré pour faire place à un nouveau projet, qui se bornait à prononcer la suppression du décime rural, et la réduction du droit de 5 pour 100 sur les articles d’argent à 2 pour 100. On renonçait ainsi à toute chance d’augmentation dans le revenu par la modération de la taxe. Le trésor sacrifiait une partie de ce revenu pour conserver le reste. C’est la transaction, c’est l’attermoiement que les chambres ont accepté.

En admettant l’ajournement d’une réforme sérieuse dans les bases du tarif, la précédente chambre avait en quelque sorte donné rendez-vous aux réformateurs pour la session qui allait suivre. « La nécessité d’une réforme, disait le rapporteur, M. Vuitry, est un fait désormais acquis. Les intérêts du commerce et de l’industrie sont sérieusement engagés dans cette question, dont on ne peut méconnaître non plus le côté moral. » C’est pour répondre à cet appel que M. Glais-Bizoin a proposé à la chambre de remplacer le tarif actuel par une taxe uniforme de 20 centimes. La proposition, renvoyée à l’examen d’une commission, vient d’être l’objet d’un rapport, dans lequel M. É. de Girardin ne laisse aucune objection sans réponse. Le débat s’ouvrira dans quelques jours.

Deux choses sont aujourd’hui également impossibles. On ne peut pas, l’administration elle-même le reconnaît, prolonger l’existence du tarif actuel, qui élève le port de la lettre simple pour les longues distances à un taux qui dépasse très souvent le salaire quotidien de l’ouvrier. On ne peut pas, en le modifiant, partir des mêmes bases, car le système des zones, la graduation de la taxe selon les distances, est positivement contraire à ce principe de notre droit public, qui consacre l’égalité des charges pour tous les citoyens.

Le tarif a deux élémens, qui sont les frais du service et l’impôt. L’impôt doit peser également sur toutes les localités et sur tous les individus ; il n’y a pas de raison pour que l’on grève les habitans de Marseille ou de Toulouse en dégrévant ceux de Versailles ou de Saint-Germain. Les