Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle de Liverpool à Manchester, inaugurée en 1827. Aujourd’hui, l’Angleterre compte près de 3,000 milles (4,800 kilomètres) de chemins de fer en exploitation, et une étendue presque égale en voie de construction. On peut évaluer à plus de 3 milliards de francs les capitaux effectivement dépensés, et à plus de 5 milliards les capitaux engagés dans ces entreprises. Le reste de l’Europe suit le mouvement, quoique d’un pas inégal. La Belgique a relié ensemble par un réseau de 500 kilom. les provinces un peu hétérogènes de son territoire, et la Prusse emploie les chemins de fer à diminuer la longueur sans largeur, à fortifier les points vulnérables du sien. Avant quatre ans, la France comptera mille lieues de railways ; l’Allemagne les a déjà, et l’Italie entre en lice. C’est à qui s’appropriera désormais cette invention féconde, qui ne crée pas seulement des relations nouvelles, mais qui fournit encore à l’état, comme on l’a dit, des rênes de gouvernement.

Les chemins de fer abrégeaient déjà les distances ; le télégraphe électrique les supprime. En moins de deux minutes, on peut envoyer un avis à Versailles et recevoir la réponse par la même voie. Il ne faudra pas un intervalle plus long, lorsque la ligne de fer sera établie sans interruption, pour communiquer de Paris avec Marseille. L’électricité franchit les distances aussi rapidement que la pensée, et, s’il était possible de réaliser dès à présent ce rêve de quelques imaginations saint-simoniennes, qui consistait à unir par un anneau de fer continu Pétersbourg avec Madrid et Londres avec Calcutta, au moyen du télégraphe électrique, on aurait la faculté de compter plusieurs fois par jour les pulsations du globe.

En attendant l’accomplissement de ces grandes et merveilleuses destinées, l’usage du télégraphe électrique est tombé en Angleterre dans le domaine public. Sur le chemin de fer de Londres à Southampton, il n’en coûte pas plus pour expédier ainsi une dépêche d’une extrémité de la ligne à l’autre extrémité qu’il n’en coûterait en France pour envoyer par la poste une lettre simple à Perpignan ou à Marseille. Assurément, si la taxe des lettres s’élevait encore en moyenne, comme avant la réforme de 1839, à 90 centimes par lettre circulant de bureau à bureau dans la Grande-Bretagne, l’invention et l’usage du télégraphe électrique en auraient bien vite annulé les résultats pour le trésor ; mais l’Angleterre s’est montrée prévoyante et conséquente. En facilitant le transport des marchandises et les relations personnelles, elle a voulu aplanir aussi les communications de la pensée. Avec l’ère des chemins de fer dans le royaume-uni coïncide la réduction de la taxe des lettres au taux uniforme d’un penny ou de 10 centimes. Pendant que le nombre des voyageurs s’accroissait dans la proportion du simple au triple, la circulation à bon marché faisait monter le nombre des lettres de 75 millions à 300 millions par année.