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considérable, selon qu’il en a coûté plus ou moins pour les produire, la terre n’a pas de valeur vénale qui lui soit propre : elle n’en acquiert qu’en raison du revenu net qu’elle donne. Comparons de ce point de vue un fonds de terre à une maison. Une maison est un produit créé ; c’est en cela surtout que les propriétés de ce genre se distinguent des fonds de terre avec lesquels on les a si souvent et si mal à propos confondues. Il en coûte pour bâtir une maison, et les frais que la construction entraîne sont à la fois un point de départ pour la fixation du prix vénal et le premier fondement du revenu. Qu’une maison ait coûté, par exemple, 100,000 francs de construction, on peut dire que c’est là son prix naturel et nécessaire. En outre, si l’intérêt de l’argent placé en bâtimens est en général à 6 pour 100 dans le pays, il est dans l’ordre et presque nécessaire que cette maison rapporte 6,000 francs par an. Il faut bien que la première mise de fonds se retrouve quelque part, soit en capital, soit en revenu ; autrement, il y aurait perte pour les entrepreneurs, et de telles entreprises ne se renouvelleraient pas. Dans la pratique, le prix vénal, aussi bien que le revenu, peuvent bien s’écarter en plus ou en moins de cette base première ; mais, sauf quelques cas exceptionnels, qu’il est inutile de rappeler ici, ils tendent constamment à y revenir. La valeur vénale d’une maison, aussi bien que le revenu qui en découle, sont donc des faits en quelque sorte préexistans, inhérens à la chose même, et qui dominent les conditions de l’exploitation. Que cette maison soit une usine ; il est clair que le revenu, en d’autres termes l’intérêt du capital émis, devra se répartir sur les produits de l’usine, et que le prix de revient en sera augmenté d’autant. En est-il de même pour un fonds de terre ? Non : l’établissement de ce fonds, sauf quelques accessoires, dont on peut faire abstraction, n’a rien coûté ; c’est la nature seule qui en a fait les frais. Il n’y a donc pas ici de capital primitif à recouvrer, pas de prix de construction à faire entrer en ligne de compte, par conséquent aussi aucun revenu nécessaire à prélever et à répartir sur les produits. Cela n’empêche pas, il est vrai, que la plupart des terres ne produisent un revenu, surtout dans nos pays civilisés ; mais pourquoi ? Ce n’est pas que ce revenu soit nécessaire, ou qu’il découle des conditions premières de l’établissement ; c’est uniquement parce que l’exploitation laisse un excédant net disponible, et que cet excédant revient naturellement à celui qui dispose de la propriété du fonds. Cela est si vrai, que les terres rapportent plus ou moins, selon leur degré de fertilité ou selon la position qu’elles occupent, sans qu’il y ait à cet égard aucune limite, et qu’il en est dans le nombre qui ne rapportent rien ou presque rien. C’est qu’en effet le revenu n’est pas ici un fait nécessaire, préexistant ; il est essentiellement subordonné aux conditions de l’exploitation ; il n’existe qu’autant que cette exploitation donne un excédant net et se mesure sur cet excédant même. Ajoutons qu’à la