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agricoles, et souvent des règlemens administratifs ou des projets de loi sérieusement élaborés viennent témoigner de sa sollicitude active. Quant aux chambres, il suffit, en général, qu’une mesure leur soit proposée au nom de l’agriculture pour qu’elles lui accordent une attention plus qu’ordinaire, et souvent ce seul mot, l’intérêt de l’agriculture, a suffi pour entraîner leurs votes. Il serait difficile, d’ailleurs, qu’il en fût autrement, car, de tous les intérêts du pays, l’intérêt agricole est le plus largement représenté dans toutes nos assemblées électives, puisque la possession du sol est la condition la plus générale d’admission pour les électeurs et les élus.

Les plaintes des agronomes sont pourtant fondées en cela que l’agriculture française est en souffrance, qu’elle végète, et qu’en dépit de tout ce qu’on fait pour elle, ses progrès sont presque nuls ; mais d’où vient cet état de langueur ? Au lieu de l’attribuer, comme on le fait, à la prétendue incurie des pouvoirs publics, ne serait-il pas plus juste de s’en prendre au zèle malentendu de ces défenseurs officieux de l’agriculture, aux mesures restrictives qu’ils ne cessent de provoquer en sa faveur ? Ils ne veulent pas que l’agriculture vive au grand air, de sa vie naturelle, en cherchant ses conditions de prospérité dans son utilité. Ils n’aspirent qu’à la mettre en serre-chaude, à créer pour elle un régime exceptionnel, hérissé de privilèges, de restrictions et d’entraves, qui impose sis cesse au pays des sacrifices nouveaux, persuadés, à ce qu’il semble, que l’agriculture ne prospère qu’autant qu’elle devient onéreuse à ceux qu’elle doit nourrir.

Laissons à part les encouragemens que le gouvernement distribue aux cultivateurs sous la forme de subventions ou de primes. S’il faut le dire, nous croyons peu à l’efficacité de ces moyens pour hâter le progrès. Ce n’est pas sous l’influence de ces petites excitations, bonnes tout au plus dans les concours où l’amour-propre seul est en jeu, qu’une grande industrie s’anime. Toutefois, comme les encouragemens de ce genre sont à peu près inoffensif, et comme les sommes distribuées à titre de primes ne sont pas, après tout, considérables, nous n’insisterons pas sur ce sujet. Ce qui est plus grave, ce sont les faveurs d’un autre ordre qu’on prétend assurer à l’industrie agricole, en exhaussant, à l’aide des restrictions douanières, la valeur vénale de ses produits. Voilà ce qui porte nu coup fatal à cette industrie, en renversant à son égard les lois naturelles de la production. C’est là ce qui compromet ses intérêts véritables, au moins autant que ceux du public consommateur.

Si l’on en croit les partisans des restrictions, l’agriculture française serait hors d’état de soutenir la concurrence de certaines autres contrées où les denrées agricoles sont à vil prix, et particulièrement des pays neufs, en sorte que, si les produits de ces contrées étaient admis