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dans l’ancienne Égypte, indiquaient ainsi que l’homme ou la femme qui les portait était consacré à une divinité : Ammonius à Ammon Thais à Isis[1]. Tous ces noms, empreints de paganisme, furent portés par des chrétiens. Le nom de saint Pacôme voulait dire celui qui appartient à Chons, une des divinités du panthéon égyptien. Quant à Petiphrah ou Putiphar, il est naturel qu’un prêtre de la ville consacrée au soleil fût consacré lui-même à ce dieu. Les noms d’homme, de femme, de lieu, mentionnés dans les chapitres de la Genèse où il est parlé de l’Égypte, suffiraient pour montrer la véracité du narrateur antique, car tous s’expliquent par le copte, ce qui prouve en même temps que cette langue provient bien réellement de l’ancien égyptien.

Phrahâ, dont nous avons fait Pharaon, veut dire en égyptien le soleil. C’est le titre que prennent les rois d’Égypte dans les légendes hiéroglyphiques, où ils sont toujours assimilés à Horus. Le nom honorifique donné à Joseph, Psontophanech[2], ne s’explique point par l’hébreu, mais par le copte. Il en est de même du nom de Moïse, qui, suivant la Genèse, veut dire sauvé des eaux. L’hébreu ne peut point fournir un sens qui ressemble à celui-là ; mais Mocha, en copte, signifie celui qui sort des eaux ; or, le nom donné à l’enfant recueilli par la fille du Pharaon devait être un nom égyptien et non pas un nom hébreu.

On sait que l’aventure de Joseph avec l’épouse de Putiphar est devenue le thème favori de la poésie amoureuse de l’Orient. Ces deux personnages bibliques étaient déjà des personnages de roman à l’époque où Mahomet écrivait le XIIe chapitre du Coran. Depuis, l’histoire de Jousouf et Zuleika (c’est le nom qu’on leur donne) a été chantée, à plusieurs reprises, par les poètes les plus célèbres de la Perse. Cette histoire est le triomphe de l’amour. L’amour, après s’être montré dans le récit de la tentation avec toutes ses ardeurs, reparaît épuré par la douleur et la constance. La brillante épouse du vizir d’Égypte est devenue une pauvre veuve, dont le chagrin a détruit la beauté, dont la vue même s’est éteinte dans les larmes mais Zuleika aime toujours Joseph : elle s’est construit une cabane de roseaux, d’où, cachée, elle écoute, pour toute joie, passer le bruit de son char et de son cortége. Le malheur éclaire la foi de Zuleika ; elle renonce au culte des idoles, et reparaît aux yeux de Joseph, qui ne la reconnaît pas. Elle se nomme, et demande au sage Hébreu de lui rendre sa beauté et la vue. Après lui avoir accordé sa double demande, il l’épouse, et, au bout d’une vie heureuse et longue, tous deux meurent le même jour, comme Philémon et Baucis. Dans

  1. En égyptien Ammoni ; — Tha-isis, celle qui appartient à Isis.
  2. ΨοντομφανήΧ, P-sont-n-phonch, le sauveur du monde, ou plutôt celui qui a conservé la vie. La transcription hébraïque avait altéré ce mot, qui a été restitué dans la version des Septante par le traducteur grec qui écrivait en Égypte et savait l’égyptien.