Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette substance neige de la Chine. S’ils avaient reçu de la Chine le secret de la fabrication de la poudre, ce qui est possible, vu les anciennes communications de l’Asie occidentale avec l’Asie orientale, ils ont pu l’apporter à Héliopolis et le communiquer à Callinique. Ainsi le feu grégeois, comme tant d’autres choses, porte un nom qui est une erreur. Il est peut-être égyptien, peut-être arabe, probablement chinois ; il n’est pas grec.

L’obélisque d’Héliopolis s’élève au milieu d’un jardin. La même inscription, sauf une légère variante, est gravée sur chacune des faces, La quatrième est entièrement couverte par les travaux de l’abeille maçonne ; un seul côté est entièrement libre. Cette courte inscription suffit pour nous apprendre qu’Osortasen Ier a érigé l’obélisque. Le titre qu’il prend de souverain de la haute et basse Égypte n’exprime pas une prétention sans fondement. Des monumens que le temps a épargnés prouvent l’extension de la puissance de cet antique roi. A l’autre extrémité du monde égyptien, en Nubie, près de la seconde cataracte, une stèle était encore debout, il y a quelques années, portant une inscription en l’honneur d’Osortasen Ier, vainqueur des barbares armés d’arcs. Son nom est gravé aussi dans le sanctuaire de Karnac et sur les rochers du mont Sinaï. Les statues qui reproduisent son image et portent son nom sont d’une beauté admirable, et la perfection des hiéroglyphes qui les décorent montre quelle était la perfection des arts de l’Égypte à l’époque où florissait cette ville d’Héliopolis, déjà en décadence au temps de Strabon. L’obélisque, encore debout et intact, est un débris qui a survécu aux ravages antiques des pasteurs, aux destructions récentes de Cambyse ; c’est un témoin qui a dominé l’inondation de la conquête. Cet obélisque était placé en avant du temple du Soleil. Selon l’usage, un autre obélisque s’élevait en regard et formait le pendant du premier. Pockocke vit encore des débris de la porte du temple. D’autres obélisques étaient debout au temps de Strabon : deux d’entre eux avaient été érigés par un fils de Sésostris pour avoir recouvré la vue à la suite d’une expérience assez singulière sur la vertu des femmes de son empire, expérience dont on peut aller chercher le récit naïf chez Hérodote, et qui, sous une forme moins gracieuse, contient la première idée de cette piquante épreuve de la coupe enchantée si bien contée par l’Arioste. J’ai vu ailleurs deux des obélisques qui décoraient autrefois, Héliopolis ; ils sont à Rome : l’un s’élève sur la place du Peuple ; l’autre derrière la place Antonine. Le premier est du temps de Sésostris ; le second, comparativement moderne, ne remonte qu’à Psamméticus. C’est Auguste qui les fit transporter à Rome ; les Romains faisaient la conquête des monumens comme des peuples.

Au moyen-âge, Héliopolis offrait des ruines bien plus considérables. Le voyageur arabe Abdallatif y trouva encore les deux obélisques du temple du Soleil, dont un seul subsiste aujourd’hui ; l’autre était déjà