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quel côté est l’imitation ou l’emprunt. Cette chaire si incroyablement élégante de la mosquée de Barkouk n’a-t-elle pas eu pour modèle les ambons des basiliques chrétiennes, dont les reproductions auront été ornées et travaillées jusqu’à l’excès par la fantaisie orientale ? D’autre part, ces élégans minarets n’ont-ils pas donné l’idée des gracieux campaniles de l’Italie, auxquels ils ressemblent si fort ? La mosquée de Barkouk a deux minarets qui font absolument l’effet des deux tours ou des deux clochers d’une église. Les murs de la mosquée sont formés par des assises régulières de pierres blanches et rouges alternativement superposées. Cette disposition a pu donner l’idée d’une superposition analogue d’assises blanches et noires qu’on remarque dans plusieurs églises italiennes, à Gênes, à Pistoja, etc.

La réflexion que j’ai faite à Alexandrie se représente ici. C’est à l’Égypte que les Vénitiens ont emprunté le caractère oriental de leur architecture. M. Quatremère de Quincy l’avait remarqué avant moi. Il semble décrire les tombeaux des califes, quand il parle de « ce goût oriental d’arabesques, de mosaïques, de revêtemens de marbres, et de cette disposition de petites coupoles qu’on trouve dans les ouvrages des Sarrasins, et que les Vénitiens rapportèrent d’Alexandrie. » Les mosaïques et les coupoles de Saint-Marc rappellent en grand celles que je vois ici. Il y a de l’arabe dans l’église byzantine de Saint-Marc, comme nous avons vu qu’il y avait du byzantin dans les mosquées arabes du Caire.

Après avoir admiré ce que le moyen-âge arabe a de plus élégant, allons saluer un des monumens les plus vénérables de l’architecture des Pharaons, l’obélisque d’Héliopolis, qui est le plus ancien obélisque du monde. A droite du chemin que nous suivons est une plaine cultivée assez semblable à une plaine de la Brie ; à gauche est le désert. Sans parler du désert, un chameau et un buffle attelés ensemble à une charrue éloignent tout souvenir prosaïque et avertissent de l’Orient. Dans les environs d’Héliopolis croissait l’arbre qui donne le baume. Selon une tradition chrétienne, il était né en ce lieu par la vertu de l’eau dans laquelle, durant la fuite en Égypte, la sainte Vierge avait lavé les langes de son divin fils ; selon l’histoire, Cléopâtre l’apporta de la Judée, où elle était allée essayer ses séductions sur Hérode. On s’explique comment une ville aussi considérable qu’Héliopolis a pu s’élever si près de Memphis en réfléchissant que l’une et l’autre étaient voisines du point où le Nil se ramifie en diverses branches, et que vers ce point devaient converger tous les produits de la basse Égypte. Le nom d’Héliopolis était la traduction grecque du nom égyptien que portait la ville consacrée à Horus. Les villes d’Égypte étaient ainsi consacrées à un dieu dont elles portaient le nom. Il en fut de même de plusieurs villes grecques, il suffit de rappeler Athènes et Possidonie, la