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que rien de semblable puisse s’établir, l’Angleterre se réserve le droit d’aviser aux moyens de donner ce pouvoir fort à l’Égypte.

A une lieue du Caire est l’emplacement d’Héliopolis. De la ville fameuse où étudièrent Eudoxe et Platon, il ne reste qu’un obélisque ; on y lit le nom du roi Osortasen, qui vivait plusieurs siècles avant Sésostris. L’obélisque d’Héliopolis est donc l’aîné de l’obélisque de Paris. Un pareil monument mérite bien d’être visité, quand même la plaine d’Héliopolis n’eût pas vu remporter une des plus brillantes victoires et des plus justes.

En sortant du Caire pour aller aux ruines d’Héliopolis, on trouve d’abord un lieu désolé. Entre des buttes formées de débris s’élève un cimetière ; est-ce là que repose l’intrépide et intelligent voyageur Burckardt, qui, après avoir parcouru l’Orient, vint mourir au Caire ? J’aurais aimé à reconnaître et à saluer le lieu de sa sépulture. Le tombeau d’un voyageur est pour un voyageur le tombeau d’un frère. Puis on entre dans une plaine aride et inhabitée. Au milieu du sable s’élèvent des monumens d’un goût exquis connus sous le nom de tombeaux des califes, et qu’il faudrait plutôt appeler tombeaux des sultans et des princes d’Égypte. Ces monumens sont à la fois religieux et funèbres ; un lieu de prière est à côté d’un lieu de sépulture. L’association de ces deux idées est bien ancienne en Égypte et bien naturelle au cœur de l’homme. Cette double destination se remarque dans le monument de Barkouk et dans celui de Caid-Bey. Le premier est du XIIe siècle et le second du XVe. Ce dernier passe à juste titre pour un type de ce que l’architecture arabe peut produire de plus élégant.

Sans cesse l’architecture musulmane fait penser à l’architecture chrétienne. Cependant elles diffèrent beaucoup ; le caractère général de l’une est la hardiesse et la grandeur ; le caractère de l’autre est la coquetterie et le caprice. Toutes deux proviennent, je le crois, de l’architecture gréco-romaine, diversement modifiée d’après le génie sévère de l’Occident ou d’après le génie gracieux de l’Orient. Les coupoles que j’ai devant les yeux sont d’origine byzantine, on ne saurait guère en douter. M. Coste remarque avec raison qu’elles ne peuvent être d’origine arabe, puisqu’aucun des édifices construits par les Arabes, y compris la Caaba, n’offre la voûte sphérique ; mais il n’y a pas lieu, selon moi, à faire dériver les coupoles des topes de l’Afganistan, qui sont un peu loin, ou des pyrées de la Perse, qui n’ont, je crois, rien à faire ici. C’est la Grèce qui a fourni aux Arabes les élémens de leur architecture, comme les principes de leurs sciences et de leur philosophie. Quant aux ressemblances de ces monumens du moyen-âge arabe avec ceux de notre moyen-âge européen, elles sont souvent bien frappantes, malgré la diversité du génie des deux arts et des deux religions. Parfois on est assez embarrassé pour savoir de quel côté est l’originalité, de