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et concourent heureusement à l’effet du tableau. Je conseille à l’auteur d’employer les tons roux avec plus de discrétion.

La Ronde du Mai de M. Müller compte de nombreux partisans, je suis bien forcé de l’avouer. Tous ceux qui ont admiré le Décaméron de M. Winterhalter admirent avec le même bonheur, le même courage, la même persévérance, la Ronde du Mai ; à mon avis, ils ont parfaitement raison. Qu’est-ce, en effet, que la Ronde du Mai ? le Décaméron, avec une légère variante : les femmes étaient assises, elles se sont levées. Quant au dessin, c’est la même science, la même sévérité, la même précision. La lumière est capricieusement distribuée sur les visages, sur les épaules, sur les vêtemens, et se promène partout sans s’arrêter nulle part. C’est une peinture de boudoir, dont l’unique mérite consiste à montrer des jambes assez mal faites. M. Müller a trouvé dans M. Vidal un rival redoutable que la mode protège depuis quelques années, et qui a recours aux mêmes artifices. Toutes les femmes de M. Vidal, comme celles de M. Müller, sourient et montrent leurs dents et leurs jambes. Ne cherchez pas à deviner la forme du corps, ce serait peine perdue. Pourvu que la bouche sourie et que la robe soit relevée, les partisans de M. Vidal se déclarent satisfaits. Protester sérieusement contre cet engouement puéril serait gaspiller son temps. La mode, qui a élevé ces deux noms, saura bien en faire justice ; elle les a tirés de l’obscurité, elle saura bien les condamner à l’oubli.

M. Pérignon, autre enfant gâté de la mode, jouit nonchalamment de sa renommée et ne songe pas à justifier la bienveillance avec laquelle ont été accueillis ses premiers ouvrages. Non-seulement il ne fait pas mieux, mais encore il fait moins bien que l’année dernière. A l’époque de ses débuts, il ne savait pas modeler une tête ou une main, et le public complaisant oubliait de le gourmander sur son ignorance. Les étoffes, du moins, étaient traitées avec une certaine habileté. Cette année, les têtes et les mains sont restées ce qu’elles étaient, c’est-à-dire nulles ; quant aux étoffes, elles ont à peu près la même valeur que les têtes. Il est impossible de prévoir où s’arrêtera le dédain de M. Pérignon pour la précision et la réalité. Il a commencé par négliger les têtes et les mains, aujourd’hui il néglige les étoffes ; que fera-t-il l’an prochain ? Le portrait de M. Zimmermann, par M. Dubufe, vaut mieux, à mon avis, que tous les portraits signés du même nom. Peut-être pourtant l’auteur a-t-il exagéré la sévérité du visage. La figure est bien posée, il y a dans l’exécution une fermeté à laquelle M. Dubufe ne nous avait pas habitué.

Les portraits de M. Champmartin se recommandent par l’éclat de la couleur ; l’exécution est généralement incomplète. On voit que M. Champmartin se contente trop facilement. Le portrait d’Ibrahim-Pacha est bien posé, mais la tête et les mains n’ont pas la valeur et la