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cette peau dont les moindres plis sont finement indiqués, le sang ne circule pas. C’est une œuvre pleine de science, mais une œuvre inanimée.

Entre les trois tableaux de M. Papety, le seul qui me plaise est celui qui représente des moines caloyers décorant une chapelle du mont Athos : le mouvement des figures est vrai et le choix des tons est heureux. Il y a dans cette petite composition une naïveté, une simplicité qui me charment et que l’auteur n’avait pas encore rencontrées. Le Récit de Télémaque est de la même famille que la Vierge consolatrice exposée l’année dernière. Le ton bleu qui couvre toute la toile donne aux personnages un caractère fantasmagorique dont je ne saurais m’accommoder. Le Passé, le Présent et l’Avenir nous offrent une énigme à deviner. Le dessin et la couleur des trois figures qui personnifient les trois momens de la durée n’ont rien de séduisant et ne résisteraient pas à l’analyse. Je ne m’explique pas comment M. Papety, qui a vu tant de belles choses et qui a rapporté d’Italie et de Grèce tant de souvenirs précieux habilement fixés, peut se tromper si étrangement quand il se met à l’œuvre. Il est arrivé plus d’une fois à Poussin et à Prudhon de choisir pour thème de leurs compositions une idée qui d’abord ne semblait pas se prêter à la peinture ; mais cette idée rebelle, qui relevait plutôt de la philosophie que de l’art, ils savaient l’expliquer, l’animer, la montrer aux yeux ; ils la fécondaient par la réflexion et la douaient de vie par la toute-puissance de leur pinceau. Les trois figures peintes par M. Papety ne sont malheureusement ni intelligibles, ni vivantes. L’auteur ne me semble pas appelé à l’expression des idées philosophiques et agirait sagement en y renonçant dès à présent. Qu’il applique au plus tôt son savoir et son talent à quelque sujet plus facile à saisir, plus facile à expliquer. Qu’il demande à l’histoire ce que la philosophie lui refuse, une véritable inspiration. Les douze dessins exécutés par M. Papety, d’après les fresques du mont Athos, sont pleins d’intérêt et révèlent chez l’auteur le sérieux amour de son art. S’il m’était permis de hasarder une conjecture sur ces monumens précieux que je n’ai pas vus, je dirais que les têtes sont probablement copiées avec moins de fidélité que le reste, et que l’auteur les a interprétées ; car le caractère des têtes a quelque chose d’académique et ne s’accorde pas avec l’attitude et le costume des personnages. Malgré cette conjecture, que je donne pour ce qu’elle vaut, c’est-à-dire pour une conjecture, les douze dessins de M. Papety méritent d’être étudiés et se recommandent par une grande habileté d’exécution. Je regrette de voir un talent si réel, si positif, se fourvoyer dans des compositions où il ne devrait jamais s’aventurer. Espérons que M. Papety nous montrera l’an prochain une œuvre digne de lui, digne de son savoir, une œuvre que nous pourrons louer avec une entière justice.

Eudore dans les catacombes de Rome est une des meilleures compositions de M. Granet. Le sujet s’explique bien ; l’expression des visages est