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ailleurs de ces malheureux qui portent sur la tête, comme dit le docteur Voisin, le stigmate de leur dégradation. Il en est d’autres, au contraire, chez lesquels, quoique le cerveau soit intérieurement malade, la forme extérieure du crâne n’est point visiblement altérée. S’ensuit-il que l’étude du cerveau et de ses enveloppes n’ait rien à nous apprendre sur cause des états pathologiques de l’intelligence ? Je ne le crois pas. L’erreur de quelques phrénologistes a été seulement de déclarer l’indépendance du cerveau : il y a ici plus d’une influence à démêler. Le cerveau est, sans aucun doute, le roi de l’organisation, mais c’est (qu’on nous passe le mot) un roi constitutionnel ; il rencontre dans les autres grands systèmes de la vie animale ou végétative des pouvoirs secondaires qui limitent ou modifient à chaque instant son autorité.

Après les causes antérieures à la naissance viennent les causes qui agissent sur l’enfant une fois né ; ces causes rentrent presque toutes dans l’éducation. Les mauvais traitemens, les privations de nourriture, les habitations malsaines et humides, deviennent assez souvent, dans les classes pauvres, des causes d’imbécillité. L’accouchement négligé ou confié aux mains inhabiles des sages-femmes, la mauvaise direction des premiers soins donnés à l’enfant qui vient de naître, peuvent également détériorer le germe, alors si tendre, de l’intelligence. Les défectuosités de la tête ne sont pas toujours l’ouvrage de la nature, quelques pratiques extérieures arrêtent, dans la première enfance, le développement du crâne ; au lieu des idioties formées dans le sein de la mère, nous avons alors quelquefois des idioties acquises. Les races barbares, qui tiennent presque toutes à perpétuer les caractères de leur infériorité, font subir aux nouveau-nés un aplatissement systématique du front. M. Foville a rencontré, dans plusieurs provinces de France, l’usage, sans doute fort ancien, de coiffures artificielles qui déforment l’organe de la pensée. Ce savant observateur rapporte la cause de ces altérations aux bandes fixées par les nourrices sur la circonférence de la tête des nouveau-nés, et dont l’effet lent est d’exercer autour de ces parties encore molles une constriction souvent ineffaçable. Les enfans frappés de semblables mutilations sont en général plus disposés que d’autres à l’aliénation mentale et à l’imbécillité[1]. Il ne faudrait pas néanmoins conclure de ces faits que l’imbécillité fût toujours la suite d’une compression mécanique de la tête : il existe dans l’organe même une force de renversement qui trouble et détruit, à un certain âge, surtout en l’absence d’une éducation bien appropriée à l’enfant, l’action plus ou moins libre de la pensée.

  1. Une autre remarque singulière a été faite par M. Foville : l’oreille externe se montre, chez l’homme, solidaire des déformations du crâne. Nous avons répété cette observation sur un assez grand nombre d’imbéciles, et nous l’avons presque toujours rencontrée juste, quoiqu’il soit assez difficile d’expliquer les raisons d’une telle coïncidence.