Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/314

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers la condition des races sauvages ou barbares, comme la misère, la promiscuité des sexes, la vue continuelle de scènes de destruction et de carnage. M. Séguin affirme avoir rencontré parmi ses élèves plus d’un imbécile qui était né au milieu d’une boucherie. On oublie trop souvent aussi qu’il faut à la nature des temps de repos. La loi des jachères existe dans le champ des développemens de l’humanité. Les anciens avaient fixé la durée de la lactation de deux à trois ans, pour donner à la puissance génitale chez la femme le temps de se réparer. Nous avons vu deux enfans idiotes dans la même famille qui étaient nées chacune à dix mois d’intervalle après deux fausses couches.

Une autre cause d’idiotisme ou d’imbécillité sur laquelle le moraliste doit fixer toute son attention, c’est l’oubli des lois physiologiques qui doivent présider à l’union des sexes. Il y a sur le globe des races qui sont faites pour s’unir, et d’autres qui, à raison même de leurs caractères homogènes, ne semblent pas faites pour se rechercher ; il en est de même de l’homme et de la femme. La nature, qui veut la force et le perfectionnement de l’espèce, ne ratifie pas toujours les motifs intéressés qui déterminent les familles dans le choix des alliances. La stérilité absolue, ou, qui pis est, la stérilité de l’esprit dans le fruit de la conception, est trop souvent la triste conséquence de ces unions imprudemment contractées. L’absence de croisement est quelquefois aussi funeste que l’union entre des races incompatibles. L’ancienne noblesse s’est affaiblie elle-même en contractant toujours ses alliances dans les mêmes maisons. Quand on enfreint cette loi, qui fait dépendre du mélange des races et des familles le renouvellement et le développement de l’humanité, il en résulte un appauvrissement de la force vitale qui réagit bientôt sur les facultés intellectuelles. La bourgeoisie doit profiter de l’exemple de l’ancienne noblesse, si elle ne veut pas voir avec le temps dépérir les germes de sa puissance ; le désir d’empêcher la division des grandes fortunes, comme autrefois celui de perpétuer l’éclat des titres, oppose maintenant au libre mélange du sang, dans la classe moyenne, des obstacles que la nature n’approuve pas, et dont elle se venge par l’abâtardissement de la race.

La plupart de ces causes antérieures à la naissance agissent pour produire l’idiotie sur l’organe de nos idées, sur le cerveau. Le docteur Gall avait rattaché l’idiotie à un état particulier d’étroitesse et d’évidement du crâne. Cette vue est exacte en ce qui regarde les idiots très abaissés. Gall eut seulement le tort d’en forcer les conséquences pratiques. Son habile contradicteur, M. Lélut, montra que le volume du cerveau n’est pas la seule condition du développement de l’intelligence. Il faut que les écarts soient portés à l’excès dans la forme et le volume de cet organe pour qu’on puisse, sur la simple vue de la boîte osseuse, conclure à l’idiotisme. Nous avons bien rencontré dans les hospices et