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l’établissement de bonnes routes produiraient une grande économie sur les frais de nourriture des bêtes de labeur, en supposant que, pour la trituration des minerais et le foulage des tortas, on dût persister à se servir de mulets.

Un exemple entre mille montrera la portée des économies qu’on réaliserait dans l’industrie argentière par de meilleures dispositions mécaniques. Prenons un détail de l’opération métallurgique, le foulage des tortas. Un voyageur français visitant le Potosi, il y a quelques années, donna aux mineurs le conseil de remplacer les Indiens payés à raison de 3 francs 40 centimes par jour, qu’on faisait piétiner dans ces boues, non plus seulement par des mulets, comme au Mexique et dans le Pérou proprement dit, mais par une machine pareille à celle qui sert, en Europe, à broyer le mortier, et que nous avons vue tant multipliée autour de nous, à Paris, pendant la construction des fortifications. L’idée fut goûtée par un des mineurs qui, moyennant 1,600 francs environ, établit la machine. Les résultats en furent excellons. Avec une seule mule pour tourner la roue, on eut autant de besogne faite qu’avec vingt Indiens qui auraient coûté 68 francs : la mule avec son conducteur ne revenait pas à 5 francs 50 cent. Comme trait de mœurs propre à faire connaître combien peu de lumières il y a parmi cette population et à quel point elle est esclave de la routine, je dois ajouter que le mineur qui avait fait cette expérience, et auquel elle a si bien réussi, est resté seul à en profiter. C’était un Espagnol ; les créoles, ses voisins, se refusèrent à l’imiter. Probablement, au moment où j’écris ces lignes, ils ne se sont pas rendus à l’évidence, et il y a douze ans que ce perfectionnement si simple, si facile, est sous leurs yeux.

Ainsi, pour le travail du minerai comme pour l’acquisition des ingrédiens par lesquels on le traite, la diminution des frais ne peut être bien sensible et affecter le prix de l’argent sur le marché général qu’à la condition que le pays éprouverait un changement complet dans sa pratique, dans ses idées, dans sa civilisation même ; mais aussi il y a bien de la marge, et les économies à faire sont énormes.

De même pour l’extraction des entrailles de la terre. Les procédés mécaniques de cette partie du travail sont grossiers et partant très coûteux. Ce qu’il en coûte pour l’épuisement des eaux dépasse tout ce qu’un mineur européen peut imaginer. Le percement des puits absorbe de même des sommes exorbitantes. La poudre, dont le gouvernement a le monopole, n’est pas seulement chère. elle est très mauvaise, quoique le pays offre en abondance le nitre et le soufre pour la fabriquer ; c’est un obstacle aux travaux de recherches. Le fer et l’acier, dont on consomme une grande quantité pour les outils, sont pareillement à des prix très élevés, non-seulement à cause des frais de transport, mais aussi à cause des droits de douanes, car on n’en fait point dans le pays. Une exploitation considérable brûlera de la poudre pour un demi-million,